
Alors que la guerre en Ukraine impose à la quasi totalité de l’Europe de terribles contraintes économiques, la France est en train de réaliser un exploit : celui d’ignorer les réalités, c’est à dire de se conduire comme si tout était normal et, qu’en somme, nous vivions dans une serre, à l’abri des tempêtes venues de toutes parts. Et dans ces conditions qu’il était tout à fait normal d’imposer le blocage des raffineries.
Cette grève dans le domaine de l’énergie est injustifiable : car d’une part elle est initiée par des salariés dont la quasi-totalité des ouvriers de ce pays peut envier la situation , et que d’autre part personne ne peut admettre la fable hypocrite répandue à mi-voix du côté des grévistes, selon laquelle on est en quelque sorte en présence d’une grève par procuration, laquelle au final profitera à l’ensemble des salariés du pays.
Un vrai scandale aurait dit en son temps Georges Marchais .
Comment expliquer qu’on soit aujourd’hui parvenus à cette situation où la France est prise en otage par un syndicat ?
Il ne faut pas évidemment passer sous silence le pas-de- clerc du Président de Total Energie. L’efficacité de sa gestion, que personne d’ailleurs ( y compris les représentants syndicaux) ne conteste, ne justifie pas l’augmentation, beaucoup trop excessive, de sa rémunération. Celle-ci ne pouvait être perçue que comme une provocation dans la période que nous traversons. Manifestement Monsieur Patrck Pouyanné n’a pas appris à Polytechnique que la France n’est pas les Etats-Unis, pays où l’on glorifie depuis toujours la réussite financière individuelle.
Le gouvernement a lui aussi sa part de responsabilités. Il a sans doute trop tardé à intervenir dans ce conflit. Encore une fois, il a manqué du flair nécessaire pour gouverner le pays. Une fois encore nous avons la preuve qu’il manque un élément déterminant dans la formation de nos élites. Ceux—ci ne sont trop souvent que des techniciens brillants qui hélas manquent de cette sensibilité aux humeurs de la base ; cette information que l’on n’apprend que dans les bistrots, sur la place des marchés, ou dans les partis politiques et les syndicats.
Cette lenteur gouvernementale n’efface en aucune façon l’énorme responsabilité des preneurs d’otages : la CGT et sa fédération de l’Energie ; ou, dit autrement, la main-mise du syndicalisme dévoyé
Le syndicat de Philippe Martinez veut sans doute, par son coup de force actuel, retrouver la position de leader qu’il a longtemps occupée dans le monde ouvrier. Le temps presse car dans les prochains mois les élections professionnelles arrivent. On peut douter qu’en adoptant la stratégie de sa fédération de l’Energie ce but puisse être atteint.
En réalité cette prise d’otages n’est pas de nature à satisfaire les Français. Cette violence, empruntée, sans doute pour partie, aux dérapages oratoires de Jean-Luc Mélenchon le rêveur frustré, ne répond pas à leurs inquiétudes légitimes par ces temps de guerre et de bouleversements économiques.
Au surplus le handicap est grand pour la CGT. En effet, elle apparaît chaque jour davantage comme un syndicat limitée par sa « clientèle ». Elle n’est plus « tous horizons », elle est en partie réduite à n’être essentiellement que la représentante dominante dans les secteurs les plus favorisés du monde ouvrier. En somme, elle se recroqueville et peu à peu en est réduite à’un positionnement paradoxal. Elle est devenue
la représentante, la porte-parole des salariés les plus protégés de notre pays : Energie, SNCF, dockers, etc …
Pire encore, cette domination semble de très mauvaise augure pour ces secteurs professionnels.
Deux exemples :
– le syndicat quasi monopolistique du Syndicat du livre CGT n’a fait que générer, voire accélérer, la descente aux enfers de la presse écrite.
– le syndicat CGT des dockers a depuis toujours été incontournable. Résultat ? Nos ports, qui possèdent pourtant des situations géographiques exceptionnelles, sont très loin des performances des autres ports européens.
Ces derniers exemples devraient faire réfléchir les va-t-en guerre du secteur de l’énergie car d’ores et déjà des modifications profondes y sont annoncées. Et pourtant, on peut prendre le pari que la CGT fidèle à ses traditions, ignorera les bouleversements qui d’ores et déjà sont annoncés dans cette branche de notre industrie. La fin du règne sans partage du pétrole sera la réalité du moyen terme, et pourtant les troupes de Phillipe Martinez baissent la tête comme des taureaux et foncent contre le mur.
Au final on est loin, très loin de l’attente des Français. Ceux-ci perçoivent sans doute clairement que ce syndicalisme à l’ancienne a fait son temps, qu’il est une voie sans issue et qu’il est absolument nécéssaire que la France soit au moins unie autour d’un syndicalisme de même nature que celui pratiqué dans beaucoup de pays voisins et de celui qu’essaye d’installer d’autres syndicats, par exemple la CFDT.
Demain le réveil sera dur pour les adeptes du sur-place, ils auront toujours le plaisir, ces irresponsables, de continuer d’empêcher les Français de regarder la réalité économique en face.