Samedi dernier Le Monde, dans un de ses articles de fond sonnait l’alerte : décomposition, hystérisation du débat et radicalisation ; la démocratie est envahie par le bruit et la fureur ».
Cette synthèse du grand journal du soir est apparue comme une évidence;
Encore un peu et des affrontements violents peuvent surgir.
Comment en est-on arrivé là ?
Les éléments perturbateurs de notre vieille démocratie sont légions.
En tête de ces dérives on peut sans doute placer le recul très profond de la démocratie représentative.
Cette dernière, qui pendant des siècles a été considérée comme le but ultime à atteindre, semble désormais dépassée.
Les représentants élus par le peuple sont presque ravalés par certains au rang de pantins et reçoivent les gifles que suscite l’irrespect. Seule compte la démocratie directe pour ces drôles de citoyens ! Pour eux,
le cri du peuple, spontané ou non, même sans logique ou réflexion, ni compétence, doit toujours l’emporter.
Ce bouleversement quasi révolutionnaire a été, entre autres causes, rendu possible par l’apparition et l’installation définitive de deux enfants de la modernité :
– les chaînes d’information en continu.
– les réseaux sociaux
Les premières ont transformé l’information en spectacle, en pièce de théâtre. On ne sait plus si c’est l’évènement qui est important ou les commentaires des armées de spécialistes, plus péremptoires les uns que les autres.
Et cerise sur le gâteau, Cnews, l’une de ces chaînes, vient avec succès, contrairement à ses objectifs initiaux, de passer ouvertement de l’objectivité, jadis de rigueur dans nos médias, à la prise de position quasi systématique en faveur des thèses extrémistes. Le marketing supplante l’objectivité.
Les seconds, ( les réseaux sociaux), apparaissent de plus en plus comme des leaders d’opinion écoutés, dépassant en audience réelle presse- écrite et radios. Ils font l’actualité, trop souvent avec des fake-news !
Ainsi que l’écrit Edouard Philippe dans son livre sur son expérience de Premier Ministres « Ils auraient dû constituer un progrès important mais, par leur lot d’excès ils ont souvent appauvri le débat public … et donc la vraie démocratie ».
Au point où nous en sommes : pour beaucoup d’observateurs nous n’éviterons pas un clash d’une grande ampleur;
Faut-il se rallier à cette prévision pessimiste ?
Pas totalement.
Et ceci pour une raison essentielle : notre pays est fatigué par les chaos qu’il vient de subir pendant plus de trois ans . Très majoritairement « il en a marre ». Marre :
– des Gilets jaunes, de leur emprise sur la vie de tous les jours, de leurs saccages renouvelés le week-end dans les grandes villes, de leurs illusions sur ce qu’ils prétendent être les seules solutions qui vaillent.
– de la Covid qui n’en finit pas de nous empoisonner et de nous emprisonner dans les contraintes sanitaires. Mais qui pourtant au final, nous fait constater combien notre pays a tous les défauts mais qu’il n’est surtout pas un bagne quand la maladie et la mort ne le frappent pas.
Au delà, après ces épreuves trop longues, notre pays dans ses profondeurs a un souhait modeste mais essentiel : vivre tranquillement, sans heurts, en toute liberté.
Deux signes discrets ou inattendus nous le suggèrent:
-le premier concerne les retraites. Une majorité est d’accord pour une réforme. Mais surtout pas immédiatement. En somme laissez-nous respirer ! Un défilé bloquant toute une ville ne vaudra jamais une fête, une plage, un stade plein à craquer.
– le deuxième, c’est la déclaration de Didier Deschamps, homme de raison, entraineur de l’équipe nationale de football, celle qui fait rêver la France : « je trouve qu’il y a une montée en puissance de l’agressivité, de la haine qui sont très dangereuse. Pensons à nous protéger ».
Paroles d’un sage. Les Français ne demandent qu’a le suivre. N’en déplaise aux extrémistes de tous bords.
Les éditos d'Henri Merle 