L’incendie et le chewing-gum

Le Point

Depuis l’arrivée de Laurent Wauquiez dans l’arène politique, les Français parlent beaucoup plus souvent de la Haute-Loire. Ce n’est pas le livre que vient d’écrire Yves Rousset qui va interrompre cette tendance ! 

 Dans cet ouvrage, le représentant de l’Etat n’y va pas de main morte. En effet il y dénonce clairement le rôle dévastateur, selon lui, joué par le Président de la région « Auvergne-Rhone Alpes » dans l’incendie de la préfecture du Puy le Ier décembre 2018.

Pour le Préfet, désormais en retraite, Laurent Wauquiez s’est conduit dans cette affaire comme un boute-feu auprès des gilets jaunes, alors que ceux-ci essayaient d’envahir la préfecture et commencaient à l’incendier.

La réponse de l’ancien maire du Puy à ce procès gravissime qui lui est fait, est aussi surprenante que décevante.

 Il ne parle pas du fond du problème, ne répond pas vraiment à ce qui est, pour l’ancien préfet, plus qu’un soupçon. 

Face à ce type d’affirmation, onaurait pu s’attendre s’attendre à une plainte en diffamation . A ma connaissance il n’en est rien.

 Laurent Wauquiez se contente semble-t-il d’une déclaration moralisatrice à l’AFP dans laquelle il précise « qu’il est triste de voir un homme habité à ce point par la rancoeur » et que « Yves Rousset n’a jamais aimé ni compris la Haute-Loire » . 

C’est court , tros court pour rassurer les simples citoyens ! Les ponots auraient vraisemblablement préféré une argumentation en défense claire et nette. Ils devront se contenter de cet écran de fumée.

 Comment expliquer ce conflit entre les deux hommes ?

Il n’est pas surprenant. Il relève d’une logique ; celle des deux caïmans se disputant le même marigot.

Tout les oppose, et en particulier leurs origines et leurs parcours.

                  —-Le Président de Région est l’exemple parfait et presque caricatural d’un certain élitisme. Issu de la très haute bourgeoisie du Nord de la France, il a construit sa réussite à une vitesse sidérante : ENA au premier rang, l’agrégation, obtention du parrainage Jacques Barrot, l’un des grands leaders de la 5eme République.

 Beaucoup lui a été donné d’entrée, désormais tout doit lui appartenir : « ma ville », « mon département » « mes fidèles » (que j’ai fait élire et me doivent tout). Désormais l’Etat c’est moi ! aucune tête, à part la mienne ne doit dépasser. D’abord centriste comme Jacques Barrot, puis admirateur d’Obama l’homme de gauche à l’américaine, il se veut aujourd’hui le vrai leader de la Droite pure et dure.

– Le préfet, lui, en est presque l’exact opposé. Il n’est  que le produit de l’ascenseur républicain. Famille modeste, d’abord éducateur au ministère de la justice, puis impliqué dans l’action syndicale. Lui aussi est énarque, mais par la petite porte , celle du concours interne à 40 ans. Le « petit chose » a réussi, grâce à ‘Etat, il sait ce qu’il lui doit. Pour cette raison il exige que l’on n’oublie pas les actions déterminantes décidées et réalisées par l’Etat, en particulier dans le domaine économique.

En toute logique, le caïman régional n’apprécie pas du tout pas du tout que l’on vienne ainsi relativiser l’importance de l’action de la Région.

 Cette opposition entre les deux « chefs » est importante mais elle ne peut pas être la seule raison du grave dérapage suspecté par le préfet.

Cette raison il faut peut-être la chercher au niveau national.

Rappelons nous :

2017 est certes l’année Macron, mais c’est aussi à un moindre niveau celle de l’envol au plan national de Laurent Wauquiez. Il vient en effet d’être élu en décembre Président du plus grand parti de France, les LR.

Le casting était de ce fait en place pour 2022, avec toutefois un grand défaut : 5 ans c’est très long pour l’impatient Président d’Auvergne-RhoneAlpes.

Or une opportunité d’accélération du scénario se présente un an plus tard : le mouvement des Gilets jaunes prenant de l’ampleur chaque mois, rien ne pouvait être exclu à cette époque et surtout pas le départ forcé d’Emmanuel Macron.

Pourquoi dans ces conditions ne pas profiter de cette aubaine inespérée? Pourquoi se croire obligé de dresser un obstacle devant les  enragés du Puy ? Une propulsion rapide à l’Elysée vaut bien le port sans complexe de l’emblématique tunique jaune.

En décembre 2018, le triomphe semblait possible. Six mois plus tard , après le désastre enregistré aux élections européennes par le parti présidé par Laurent Wauquiez, c’était le retrait de ce dernier du débat national.

Ce nouvel épisode très négatif, s’ajoute à la carrière parisienne déjà très chaotique de Laurent Wauquiez.

Cela va vraisemblablement l’obliger à attendre encore, pour atteindre son ambition finale : la Présidence de la République.

 Le recyclage sera long, il durera au moins le temps du futur quinquennat.

Mais rien ne lui est assuré malgré ses succès régionaux. Sa quête du pouvoir national se heurtera à des concurrents de plus en plus nombreux et de plus en plus reconnus par l’opinion publique. Ces derniers, prenons-en le pari, lui rappelleront avec plus ou moins de bonne foi, l’incendie de la préfecture du Puy. Cet épisode risque fort d’être pour lui le chewing-gum, collé à ses chaussures.