Vers une nouvelle Berezina ?

Le Monde.fr

Les temps sont durs pour la France et l’Europe.
eEnn matière économique où les USA, mais aussi et surtout la Chine, font la pluie et le beau temps.
Et il en va désormais de même dans le domaine de la géopolitique et de la diplomatie.
Bien peu de pays obtempèrent aujourd’hui devant les règles éditées par la vieille Europe.
La Biélorussie vient de nous en apporter la démonstration, en détournant un avion de ligne appartenant à une compagnie européenne. Ce geste de piraterie aérienne a permis aux dirigeants Biélorusses de procéder à l’arrestation d’un opposant au Président Loukachenko.
La réaction de l’Europe a été tout particulièrement rapide et unanime . Très vite, elle a décidé de fermer l’espace européen aux compagnies aériennes biélorusses.

Cette décision sera-t-elle efficace ?

Soyons réalistes ! Ne nous faisons pas trop d’illusion.
Cette décision risque fort de ne pas être plus efficace que les sanctions du même ordre, annoncées depuis octobre 2020, après la dernière et douteuse élection présidentielle biélorusse. Le journaliste emprisonné risque fort d’être contraint de rester emprisonné dans son pays.
Car la Biélorussie ne se conduira pas en pays démocratique. Et ceci d’autant plus que son voisin, la Russie ne l’invitera certainement pas à opérer un tel changement de cap. Et ceci pour la raison simple que si cette conversion avait lieu, elle serait sans doute trop dangereuse pour la pérennité du pouvoir de Poutine, mais aussi pour les intérêts économiques et géostratégiques de Moscou.

Dans leur perpétuelle candeur les Européens avaient pensé il y a trente ans ( lors de la disparition de l’URSS) que la démocratie s’installerait partout en Europe.
On en est loin, très loin ! C’est le contraire qui se produit.
En Russie en premier lieu, où l’on voit que Poutine d’abord élu pour un temps limité, s’achemine désormais vers une présidence à vie.
Mais aussi, ce qui est plus inattendu, dans certains pays de l’Union Européenne (comme la Hongrie par exemple) où des pouvoirs autoritaires s’installent peu à peu.

En réalité la Biélorussie semble condamnée à ne connaître, comme toujours, le même type de régime que son grand voisin.
Au surplus, ce petit pays de 9 millions d’habitants est logiquement condamné à jouer le rôle de défense avancée de la Russie.
Ce qui ne va pas sans avantage pour lui.
C’est ainsi, à titre d’exemple, que la Russie lui vend son gaz 30% de moins qu’au prix du marché et l’autorise à le revendre au prix normal à d’autres pays.
En réalité, c’est une vréritable subvention qui a de quoi inciter la Biélorussie à rester très attentive aux désidérata de Poutine.

En résumé Poutine et Loukachenko s’observent, mais au final on sait qui commande et protège l’autre.

Est-ce à dire que l’Europe a déjà perdu la partie ?

Oui. Mais pas totalement, car pour l’U E cette triste affaire présente malgré tout, une double avancée :

    – la première, c’est que grâce à l’unanimité qui s’est dégagée entre les 27, l’Europe a été capable d’instituer  une véritable ligne rouge . Le message est clair : le temps de la prudence est venu pour les régimes autoritaires.

    – la deuxième : l’Europe, avec sa réaction rapide et unanime, vient de démontrer qu’elle est capable de faire émerger une diplomatie digne de ce nom. Une diplomatie comme celle dont dispose la plupart des vrais Etats .

Malgré le pessimisme initial, on peut se prendre à rêver.

La Biélorussie, ce pays où coule la Bérézina, cauchemar des armées napoléoniennes, ne sera peut-être pas aujourd’hui le synonyme d’une nouvelle déroute pour la France et l’Europe.