La surprise du chef

Francetv info

Vendredi dernier nous avons assisté à un évènement exceptionnel : le politique s’est clairement opposé au pouvoir administratif, à celui des tous puissants experts qu’il avait pourtant nommés auprès de lui il y a à peine un an.

Le risque pris par Emmanuel Macron est énorme, même si beaucoup de Français sont aujourd’hui plutôt satisfaits de ne pas tomber dans les mailles d’un nouveau confinement.

La surprise a été telle que les diverses oppositions font plutôt profil bas et affichent une prudence et une modestie qui ne leur est pas habituelles.

A s’en tenir aux seuls critères strictement sanitaires le reconfinement semblait aller de soi. Les principaux paramètres repartaient clairement à la hausse et beaucoup de pays ( l’Allemagne la bonne élève, l’Angleterre le cancre notoire) n’avaient pas hésité à se remettre sous cloche.

Dans ces conditions, pourquoi ce coup de frein tout à fait inattendu ?

 Il y a sans doute plusieurs raisons : sanitaires, économiques, et surtout politiques.

Sur le plan sanitaire, le constat fait par le ministre de la Santé pouvait être légèrement nuancé. Certes l’épidémie repartait à la hausse mais certains indicateurs montraient que tout n’était pas joué. Par exemple on pouvait constater que le couvre-feu du début janvier et limité à une quinzaine de départements avait , dans un premier temps, donné de véritables espoirs ; à l’exception, comme souvent, de certains département du sud de la France qui, s’ils ne sont pas avares de leçons à donner en la matière, sont souvent d’incorrigibles bonnets d’ânes (exemples des Alpes-Maritimes qui aujourd’hui affiche un taux d’incidence presque deux fois supérieur à celui enregistré par les autres départements de la fournée « couvre-feu » du 2 janvier).

Toujours sur le plan sanitaire, l’alignement sur l’Angleterre n’aurait pas forcément été logique,, car depuis le début de la pandémie les sujets de sa majesté on pratiquement fait tout et n’importe quoi et sont très loin de certaines de nos performances

Autre raison de cet évitement présidentiel , l’économie de notre pays !  Si nous avons une seule certitude c’est celle de pouvoir affirmer que si nous bloquons à nouveau tout ou partie de notre activité, nous allons générer des mois et des années de récession. L’expérience actuelle du couvre-feu, associée à plus de rigueur dans son application, mais aussi  la montée des vaccinations peuvent peut-être contribuer efficacement à une amélioration imparfaite mais sûrement moins dévastatrice que des confinements répétés .

Enfin et surtout, l’état psychologique de notre pays rend plus qu’improbable une telle opération kamikaze du type confinement. 

La division est chez nous une forte tradition, mais ces dernières semaines elle s’accroit gravement avec le développement, inattendu et d’une certaine façon scandaleux , du divorce entre les générations. Un seul mot leur est commun, c’est « sacrifiés ». Les jeunes se prétendent « sacrifiés » et en ont assez de voir leur vie s’étioler dans les confinements successifs qui les bloquent, quasi solitaires, dans leurs appartements et les privent des sorties étudiantes sans contrainte. Ils refusent d’être enfermés dans des sortes d’Epahd, selon l’expression malheureuse employée par  certains d’entre eux sur nos chaines de télévision.

Les plus vieux, les «fragiles », ont peur du sacrifice qui leur sera imposé pour , donner satisfaction aux plus jeunes.

Ce sacrifice les révolte, eux qui constatent que meurent aujourd’hui par milliers dans les Epahd ceux-la même qui ont vu leur jeunesse (10 ans 

en 1940, 20 ans au début des « Trente glorieuses) délabrée par la guerre et les dures années qui ont suivies. 

Pour toutes ces raisons le Président a vraisemblablement eu raison de tenter ce véritable coup de poker que constitue le prolongement du couvre-feu.

 C’est peut-être la première fois qu’il propose au pays cette forme de synthèse  entre des paramètres objectifs ( le sanitaire, l’économique) et les aspirations des simples citoyens.

En plus de l’intelligence qui est la sienne (ce que personne ne discute) il aurait donc du courage et de l’empathie pour ses concitoyens ( ce que pas grand monde n’imaginait).

Cela ne suffira pas si le coronavirus continue à nous prendre à la  gorge et persiste à nous épuiser.  

Les Français, oublieux de leur satisfaction du moment, condamneront alors ce jour où le pouvoir politique a écarté, à la surprise générale, les recommandations des techniciens et des experts. C’est en janvier 2021 que se  sera jouée l’élection présidentielle de 2022.