
Pendant cette calamiteuse année 2020, la France n’a cessé de tituber. Déjà fatiguée par les mouvements et conflits sociaux à répétition ( Gilets Jaunes, casseurs d’extrême-droite et d’extrême-gauche, grèves interminables occasionnées par la réforme des retraites), elle s’est fracassée, un peu plus encore, sur le mur érigé devant elle par la Covid 19. Aujourd’hui, plus que la plupart des autres pays, elle paraît sans ressort, totalement épuisée.
Il fallait peut être passer par cette année calamiteuse, pour que nous commencions à réaliser que notre pays, allait, de plus en plus, devoir affronter de dures réalités. Et ceci dans tous les domaines, économiques, sociaux, médicaux. La route d’un progrès, linéaire, tranquille, vécu par les Français comme un dû, est ravagée par des ornières de plus en plus profondes. Désormais plus rien n’est assuré, tout est remis en cause. La Covid 19 nous a forcés à ouvrir les yeux !
Notre économie est non seulement agressée par ses concurrents traditionnels , européens ou américains, mais encore plus violemment par les géants chinois, voire indiens. Peu à peu nous sommes contraints d’abandonner notre rôle de producteur et de vendeur pour ne devenir que des clients ou, aux mieux, des organisateurs de déplacements touristiques.
Hier, « premiers rôles », mais demain ravalés, dans beaucoup de secteurs, aux tâches de discrets « second rôles ».
Encore 30 ans de déclassement et nous ferons partie des pays sous développés !
Ce pessimisme est-il exagéré ? Peut-être, seulement peut-être !
Un chercheur sud-coréen vient clairement d’oser nous alerter dans le Figaro. Pour lui « la pandémie marque la fin de l’hégémonie de l’Occident ». Et nous, mauvais élève de cet Occident, nous n’échapperons pas à ce déclassement, n’en doutons pas. Et l’économie n’est que l’avant-garde de ce délitement général . Tout semble s’accélérer dans tous les domaines;
Les exemples de nos défaites abondent :
– notre langue, hier utilisée partout, se ratatine de plus en plus sur le seul hexagone. Pire, elle cède dans presque tous les domaines devant l’anglais. La grande distribution, la publicité, l’informatique et bien d’autres secteurs sont envahis par des termes que seuls les spécialistes, ou les plus jeunes, sont à même de comprendre.
Cette minoration , cette réduction systématique de notre langage, a un effet désastreux sur notre culture et plus encore sur la coexistence des générations.
– cette fracture est presque légère par rapport à celle qui s’est établie entre les différentes communautés qui désormais se partagent les territoires de l’Hexagone. La République laïque et universelle ne parvient plus à vraiment unir ses enfants. Ce que pourtant parviennent à faire plus efficacement Anglais et Allemands.
Cette analyse de l’état du pays doit nous conduire à poser, et vite, la question de bon sens : que faire ?
Si l’on conserve un régime démocratique, deux attitudes sont logiquement possibles :
– la première c’est , globalement, celle qui est pratiquée aujourd’hui. C’est à dire laisser aller, s’en tenir à nos habitudes du dernier demi-siècle, et lever le drapeau blanc. Dans ce cas, tous nous serons responsables de la chute finale. Par lâcheté ou par paresse, nous justifierons peu à peu la prévision d’Alexis de Tocqueville selon qui « une nation, fatiguée de longs débats, consent volontiers qu’on la dupe, pourvu qu’on la repose ».
– la seconde consiste à ce que, contrairement à ce suicide consenti, nous abandonnions nos lamentations perpétuelles, notre demande insatiable de protection pour remettre en cause certaines de nos habitudes ou principes. Il nous faut très vite revenir à nos qualités d’imagination et de créativité. Il nous faut quitter ce piège dans lequel nous a enfermés notre orgueil. Abandonnons cette idée farfelue selon laquelle nos objectifs politiques et économiques doivent être suivis par le reste du monde. Celui-ci n’a pas, dans ces domaines et dans bien d’autres, besoin de nous !
Il nous faut balayer notre table de jeu habituelle ; arrêter de parler de notre gloire passée ; remplacer notre sur-administration obsessionnelle, qui ne satisfait que ses hauts bénéficiaires.
Si cette deuxième option devient, enfin, notre nouvelle façon de penser et d’agir. Si, comme le dit François Sureau, « nous parvenons à avoir un minimum de confiance dans notre capacité à faire sortir un bien d’un mal » alors, le pire ne sera plus inévitable et nous pourrons peut-être penser que cette Covid 19 de malheur nous a enfin réveillés. Rien ne nous interdit de rêver. C’est d’ailleurs dans nos habitudes.