
V.G.E mort, enterré, il y a moins d’une semaine, et déjà presque oublié alors que hier, la France consacrait à sa mémoire un deuil national. Ainsi passe la gloire du monde dans notre pays. Son actuel successeur à l’Elysée devrait y réfléchir, lui qui par bien des points ( dont d’abord, l’âge d’accession au pouvoir) apparaît comme une sorte de copie conforme du troisième Président de l’actuelle République.
L’un et l’autre ont été perçus, à leur arrivée à l’Elysée, comme les figures parfaites de l’élitisme à la Française : Polytechnique pour le Premier, E N A pour le second.
Tous les deux avaient pour objectif prioritaire de réformer notre pays.
Le premier y est largement parvenu sur le plan sociétal ( loi sur l’interruption volontaire de grossesse, majorité à 18 ans etc). Mais cette volonté de réforme a été considérablement freinée dans le domaine économique par deux chocs pétroliers aux effets ravageurs. Le choc de 1973 ( soit moins d’un an avant son arrivée au pouvoir) et le choc de 1979 ( presque deux ans avant la fin de son mandat).
Quarante après, son lointain successeur a vu son élan réformateur dans l’espace économique et social, bloqué, lui aussi, presque totalement . Alors que pourtant des premiers signes positifs commençaient à être perçus (particulièrement en matière d’emploi). Un tsunami de très grande ampleur était passé par là : la Covid 19, ce sinistre poison. Les réformes d’importance sont rejetées à plus tard, ou pire, totalement abandonnées.
Le pétrole pour l’un, l’épidémie pour l’autre, ont saccagé leurs plus grandes ambitions
A ces premières similitudes, il faut bien sûr ajouter leur obsession partagée d’une communication très modernisée et, de ce fait, très souvent irritante.
Giscard a décidé de « regarder la France au fond des yeux » et a invité les éboueurs dans les salons de l’Elysée. Le rire s’en est suivi mais certainement pas l’admiration
Emmanuel Macron s’est abonné à la pratique d’interventions à la longueur désespérante et au vocabulaire parfois abscons . Emporté par sa dialectique, il s’enferme lui même dans des pièges redoutables .
Le plus récent de ceux-ci on le trouve dans l’interview qu’il a accordé au site Brut. Il s’est crû obligé d’en rajouter et de laisser entendre que les forces de l’ordre n’étaient pas indemnes de dérives racistes. Son idée du « Beauvau de la sécurité », visant à panser les plaies, est une réplique astucieuse, mais elle ne suffira pas à remettre la machine policière sur de bons rails.
Avec ce dérapage, on en arrive à envisager un dernier et hypothétique point commun entre les deux Présidents : l’échec.
Giscard l’a connu en perdant une élection qui pourtant, deux mois avant le scrutin, semblait devoir lui revenir ; et cela de l’aveu même de la quasi totalité des observateurs, tant il ressortait des sondages que son adversaire principal était peu apprécié.
Aujourd’hui, par sa critique des forces de police, Emmanuel Macron affaiblit sérieusement sa stratégie pour une réélection assurée. Celle-ci reposait largement sur le fait qu’il avait réussi, jusqu’à ces derniers jours, à capter une partie de l’électorat de droite en s’orientant de plus en plus vers une politique régalienne de maintien de l’ordre. Avec son dernier pas de clerc sur les forces de police, il vient d’irriter considérablement cette armée de secours. Encore un peu et celle-ci s’empressera de rallier le Rassemblement National.
Peut-être que désormais tout est en place pour qu’en 2022 on assiste à la revanche de la perdante de 2017. De la même façon qu’en 1981 Mitterand a touché le gros lot et renvoyé Giscard dans ses montagnes du Puy de Dôme.
Hier Emmanuel Macron a voulu inventer un nouveau monde. Aujourd’hui il ferait bien de se remémorer les leçons du passé. Giscard vivant aurait pu les lui rappeler : De Gaulle, Mitterrand, Chirac, seuls les Présidents aimés ou craints sont réélus!
Désormais, seul devant la meute de ses adversaires revanchards, Il n’ a plus que 500 jours pour éviter la même chute que celle subie par son ainé.