Vers un syndicalisme réaliste

Les Echos

Il y a quelques jours, « Les Echos », journal de référence de la presse économique, publiait une longue interview de Laurent Berger « patron » de la CFDT, premier syndicat en France.

 Cette entretien est important parce que ce responsable pose clairement des principes qui paraissent adaptés aux difficultés que nous allons affronter.

On n’osait plus l’espérer : le manichéisme et les discours répétitifs du syndicalisme à l’ancienne, façon Phillipe Martinez, est peut-être en train de s’effacer .

 Il ne s’agit pas ici d’un ralliement du leader syndical aux thèses de la mondialisation débridée. Il s’agit, au contraire, d’ une prise de responsabilité face au défi qui se présente devant nous.

Deux phrases résument la démarche de Laurent Berger

        – dans la première il le reconnait sans ambages : « l’Etat a été à la hauteur, il a fait le job mais il ne fera pas tout lui-même ». En somme d’abord des félicitations, puis un rappel au devoir.

         -la deuxième phrase est encore plus significative lorsqu’il affirme que la CFDT « ne contestera pas les mesures prises en faveur des entreprises car il y a un vrai choc d’offre mais il faut y ajouter un soutien à la demande » . En somme il reconnait le rôle décisifs des entreprises et admet en conséquence qu’il y a priorité à ce  que le gouvernement les aide.

 -Cette déclaration c’est quasiment du jamais vu en France-

 Mais bien évidemment, il n’oublie pas ses mandants et exige que les salariés ne soient surtout pas oubliés.

Dire cela n’est jamais que du bon sens ; mais dans de notre pays tel qu’il est aujourd’hui c’est quasiment une rupture violente.

 Certains, n’en doutons pas, traiteront Laurent Berger de traître. Ou pire, passerons sous silence ses réflexions positives et fuiront le débat.Et pourtant cette approche réaliste devrait être adoptée par l’ensemble de nos responsables politiques et syndicaux.

Observons simplement que depuis longtemps beaucoup de pays comme l’Allemagne ont adopté cette ligne d’action.

La question s’impose : pour affronter la tempête qui approche, quels sont les mieux préparés : eux ou nous ? Les Allemands ou les Français ?

 Eux, les Allemands, pour lesquels l’entreprise n’est pas une arène romaine où les gladiateurs ne pensent qu’à s’étriper. C’est au contraire un instrument de richesse non seulement pour ceux qui y ont déposé de l’argent mais aussi pour ceux qui y apportent tous les jours leur travail et leur créativité ?

 Pas nous les Français, trop souvent réticents à installer un vrai dialogue  dans l’entreprise que ce soit au niveau de la direction, de la représentation syndicale ou de l’Etat !

Vraisemblablement pas nous les Français, qui trop souvent sont mis devant le fait accompli, faute d’un minimum d’échanges et de réalisme entre les parties prenantes. (N’est-ce pas ce qui vient de se passer avec la liquidation de l’usine Bridgestone de Béthune  ?)

Laurent Berger a encore bien des obstacles à franchir et des illusions à subir. Comme nous tous, de plus en plus épuisés à la vue de ce monde qui nous échappe et nous contraint à jouer les seconds rôles.