L’habit fait le moine

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Tendance Ouest

Passée la mi-temps du quinquennat, certains observateurs pensent que déjà la messe est dite et qu’en avril 2022 l’actuel Président sera dans la même situation que son prédécesseur. Il ne pourra pas se représenter. La théorie est loin d’être farfelue car les raisons de cette impossibilité sont nombreuses :

Les Français ont la mémoire courte.  Il y a moins d’un an ils se lamentaient sans cesse parce que le chômage restait à un niveau élevé et que la croissance, disaient-ils n’arrivait pas à décoller. Dans les faits, ils n’en a rien été puisque dans la deuxième partie de l’année 2019, les tendances se sont largement inversées. Evidemment pas d’applaudissements, au contraire. Tels des automates, les Français ont suivi les mots d’ordre de nos habituels démagogues, ignoré les améliorations et ont préféré s’opposer systématiquement au  projet de réforme des retraites. Projet dont on voit pourtant aujourd’hui l’absolue nécessité alors que le déficit de notre système a d’ores et déjà était multiplié par près de 10.

Cette première contradiction a été suivie par une autre de nature plus politique. L’opinion publique a quasiment nié tout mérite au Président, que ce soit dans le domaine économique ou dans le gestion  du Covid. Tout le bénéfice a été porté au crédit d’ Edouard Philippe. Ce transfert est d’autant plus étonnant qu’on ne peut que constater que ce dernier a singulièrement compliqué la vie de l’Exécutif en mettant sous les pieds du Président au moins deux pièges fracassants : la limitation de vitesse à 80 km et surtout l’établissement d’un âge pivot pour le départ en retraite.

Cette immunité de l’artificier de Matigon ne peut s’expliquer que par l’existence à ses côtés d’un formidable agent de publicité, le Président lui-même !

C’est ainsi qu’une sorte d’unanimité existe aujourd’hui pour vilipender la profonde faiblesse des discours présidentiels. Presque toujours beaucoup trop longs, les interviews ou adresses à la Nation apparaissent trop complexes voire énigmatiques pour  l’immense majorité des  Français ( les instituts de sondages pourraient-ils nous dire, par exemple, quel est le pourcentage de Français qui ont compris la signification du terme « hémistiche » contenu  dans une réponse adressée à un journaliste lors de l’entretien du 14 juillet ?).

Cette incompréhension coutumière s’amplifie sans cesse. Et cette maladresse formelle du Président va d’ailleurs de pair avec un autre défaut qui est, lui, aux antipodes de cette suffisance intellectuelle. Il s’agit bien évidemment de la propension, en réalité de l’obsession, à sans cesse demander pardon aux Français. Intellectuellement cela pourrait se comprendre venant de la part d’un citoyen de base, mais pas du chef de l’Etat. A ce niveau là ce n’est plus de l’honnêteté c’est de la faiblesse. La constitution de la Vem République n’autorise pas un tel laisser-aller. A-t-on vu en leur temps le Général, Pompidou, Mitterrand se livrer continûment à cet exercice ?

Conséquence de ces erreurs répétées, Jean Castex profite déjà de ces maladresses et voit sa cote atteindre le double de celle du Président. Une évidence s’est imposée, et très vite, dans l’opinion publique : avec le nouveau Premier ministre, la France dispose d’un « produit » très original.

Enarque mais tout autant élu local, technicien avéré de la haute-administration mais pourtant presque comparable à ces grandes gueules que l’on rencontre sur les  marchés ou dans les assemblées d’élus locaux. Ouvert semble-t-il au dialogue social, d’où la satisfaction des syndicats. Mais ces derniers, se rappellent déjà qu’au rugby, sport cher à Jean Castex, il existe un poste de demi- d’ouverture mais aussi celui plus rude de 1ere ligne  en mêlée.

Qu’en somme le temps des petits marquis vêtus par les tailleurs parisiens est en voie d’être passé de mode et que l’on se dirige plutôt vers le classique costume porté à la mairie du village par le père de la mariée. Dans ce domaine il y a en effet un gouffre entre Edouard Philippe et Jean Castex. Les Français préfèrent, car ils savent que, contrairement à l’adage, l’habit fait le moine!

Désormais le Président est enfermé dans une sorte de piège. Si son nouveau gouvernement échoue il pourra certes se représenter, mais son échec sera prévisible même s’il a Marine Le Pen face à lui. Si son gouvernement réussit, la candidature de Jean Castex apparaîtra justifiée. Dans l’un et l’autre cas le piège aura alors refermé ses mâchoires.