
Le Covid 19 enfin en fuite, on pouvait espérer que la France allait retrouver un minimum d’union pour affronter la terrible crise économique qui avance désormais à grands pas.
Erreur, elle est, depuis quelques jours, plongée dans l’une des pires polémiques qui puissent exister. En utilisant à des fin politiques l’indignation que suscite la mort, l’assassinat, de George Floyd par des policiers américains, les bonnes âmes habituelles ont entamé le procès de la police française. Elles ont trouvé dans cette croisade le renfort des partisans d’Adama Traoré pour lesquels les deux morts, celle de l’Américain et celle du Français relèvent du même racisme des polices des deux pays. Les statistiques enregistrées sont aux antipodes les unes des autres, qu’importe : la France et sa police sont au banc des accusés.
Le pire n’est pas certain mais, au travers des effluves de cette révolte, on devine que nous avons entamé une période de désunion profonde qui peut au final se révéler extrêmement grave pour le devenir de notre République.
Comment en est-on arrivés là ?
Les raisons sont multiples :
– Au premier rang de celles-ci figure depuis maintenant des dizaines d’années la fracturation de notre pays. L’universalisme républicain est sur le reculoir, le communautarisme s’installe chaque jour davantage, les zones de non-droit se développent sans cesse. L’union est trop souvent une apparence. Quelque soit les efforts entrepris par les institutions et les associations, le perspective d’un divorce inéluctable se renforce chaque jour davantage.
- Une autre raison, presqu’aussi essentielle, peut être trouvée dans la scandaleuse lenteur de la Justice. C’est le cas pour l’affaire Adama Traoré. Depuis 4 ans le mystère demeure, voire s’épaissit. Est-on en présence d’un innocent que les policiers ont poursuivi sans raison et arrêté avec la plus extrême violence ou est-on plus normalement devant un voyou des plus classiques, fuyant une arrestation où la violence raciste a été inexistante ? Pas de réponse nette et maintenant à cause des lenteurs des procédures et des expertises sans fin, nous sommes à la veille de l’explosion. La menace des slogans est claire : nous n’aurons la paix que si les forces de l’ordre sont condamnées. Ce chantage (peut-on employer un autre mot ?) vient de provoquer une énorme faute politique, celle de Christophe Castaner.
- Par sa déclaration moralisatrice devant le Sénat il a en réalité fait peser une épée de Damocles sur l’ensemble des policiers. Ces derniers doivent non seulement lutter contre le soupçon qui va imprégner leur action, mais pire encore, ils devront agir avec le sentiment qu’ont leur a retiré les moyens techniques et matériels d’atteindre leurs objectifs. Le Ministre a ainsi non seulement donné un signe négatif aux forces de l’ordre mais aussi à la majorité des Français qui n’apprécieront que très modérément cette sorte de « prime » dont vont bénéficier désormais les délinquants et dealers de profession. C’est une nouvelle rupture, et sans doute l’une des plus graves qui vient de s’installer entre l’exécutif et les citoyens. Le ministre n’ayant, selon toute vraisemblance, tenu ce discours qu’à l’instigation du Président, une interrogation s’impose. Emmanuel Macron, après les épreuves successives qu’il vient d’affronter ces deux dernières années est-il vraiment à la hauteur de sa mission ?
Oui, sans grand doute en matière économique. Les réformes mises en place commençaient à apporter leurs effets positifs. La baisse record du chômage apportait un exemple assez spectaculaire de cette réussite ; de la même façon que les mesures d’importance mises en place rapidement à l’occasion du confinement.
Il en va différemment dans le domaine moins technique de ses rapports avec les Français. Il est en somme porteur d’un paradoxe très handicapant. Il veut, parait-il, redonner à sa fonction le lustre et la force qu’elle avait avec les tous premiers Présidents de la 5em République. Mais sa volonté affichée et très « marketing » de toujours déclarer comprendre ses opposants et contradicteurs quels qu’il soient ( gilets jaunes ou manifestants anti-flic) et quoiqu’ils disent, trouble son message et fait douter de sa sincérité. Cette compréhension, quasi systématique, est surtout perçue comme de la faiblesse. Ce qui ne correspond pas avec l’idée que les Français se font d’un homme d’Etat. . . et explique peut-être, à rebours, la faveur dont bénéficie aujourd’hui son Premier Ministre dans les sondages.
Nous saurons dimanche soir, après sa déclaration solennelle, si le temps des hommes d’Etat est vraiment revenu.