
Il y a quelques semaines on osait à peine aborder le problème. Pourtant beaucoup de commentateurs le devinaient : la crise sanitaire constituait la piste de lancement d’une terrible crise économique. Aujourd’hui le cyclone est là : grandes et petites entreprises sont sous la menace de disparition , des secteurs, hier encore à l’activité florissante, sont dans le noir le plus opaque et l’accroissement exponentiel du chômage devient une hypothèse quasi banale.
Désormais une question s’impose : quelle sera la politique économique appliquée par le gouvernement ? Les chefs d’entreprises sauront-ils faire les choix stratégiques judicieux? Un dialogue social réaliste s’installera-t-il enfin dans ce pays pour traverser les années très noires qui s’annoncent?
On peut toujours croire au Père Noel mais il vaut mieux ne pas se faire trop d’illusions. La CGT, de plus en plus bornée et doctrinaire, vient de nous en apporter la démonstration dans trois secteurs industriels :
– dans l’industrie automobile tout d’abord, ou Renault n’a pas pu faire redémarrer son usine de Sandouville bloquée par les très médiocres arguties de ce syndicat, alors que pourtant la quasi totalité du personnel et les autres syndicats militaient clairement pour la reprise du travail.
– dans l’industrie portuaire où le deuxième port français, celui du Havre, voit surgir peu à peu le spectre du déclassement. Perspective tout à fait paradoxale dans la mesure où ce grand port a toutes les qualités géophysiques pour accueillir les monstres des mers, les porte-containeurs, qui constituent aujourd’hui la base même de la logistique internationale.
La dure réalité est là ; on constate une fuite grandissante vers les ports du nord de l’Europe ( en particulier vers Anvers qui est devenu le 1er port français).
Il est vrai que ces ports concurrents ne souffrent pas du handicap d’être sous la coupe sans faiblesse des dockers CGT. Ceux-ci, quelque soient les spectaculaires avantages sociaux dont ils bénéficient, continuent à se conduire comme les maîtres absolus des quais. Ils invoquent aujourd’hui encore l’extrême rudesse d’un métier, depuis longtemps disparu ; ils feignent d’oublier que par bien des points leurs gestes désormais très mécanisés leur ont permis de devenir les vrais grands notables du monde ouvrier.
Le dernier exploit de ces privilégiés, c’est d’avoir encore permis l’accélération de la fuite du trafic vers Anvers en s’opposant, par une grève très lourde voire violente, au projet de réforme des retraites. Avec les cheminots ils ont été en quelque sorte les bras armés de la centrale chère à Phillipe Martinez.
– dans l’industrie de la Presse écrite, où l’on assiste ces dernières semaines à la mort lente et sans gloire de Paris-Normandie, quotidien régional qui risque d’être le premier d’une longue liste. D’ autres corps de métiers ( direction et rédaction) ont certes participé à cette descente aux enfers que longtemps ils ont cru impossible, mais le syndicat ouvrier est ,sur le long terme, le principal responsable interne de cette déroute générale. En réalité depuis plus d’un demi-siècle , le progrès technique a été très fortement freiné par le « Livre » qui a tout fait pour imposer à la Presse écrite des contraintes difficilement imaginables dans un processus industriel normal. D’où, entre autres conséquences, des sur-effectifs provoquant des hausses de prix du journal tout à fait irréalistes et de plus en plus éloignées de l’attente du marché.
Ce handicap est devenu un poison mortel pour un produit de plus en plus affaibli par la prédominance croissante du numérique et de ses conséquences telles que la fuite des annonceurs publicitaires et la rupture quasi définitive avec les jeunes générations.
Ces trois exemples de colonisation de certains secteurs industriels, laissent imaginer les difficultés qui nous attendent pour sortir du trou de la crise économique. Ces difficultés ont toutes la même origine : le blocage, quasi historique, d’une organisation syndicale qui, sous prétexte de prêcher le progrès social se préoccupe par dessus tout de conservatisme et pour cette raison refuse l’adaptation de notre pays aux circonstances et à la concurrence mondialisée.
Si les autres syndicats et l’ensemble des Français acceptent de subir les contre-sens de cette idéologie dépassée, la reprise économique risque d’être quasiment impossible.
Sauf si, parmi les effets secondaires du Covid 19, apparaissait une nouvelle approche, un vaccin en quelque sorte : le « syndicalisme responsable ». Responsable non seulement devant les salariés, ses mandants, mais aussi devant l’économie française dans son ensemble ; de la même façon que le sont, depuis longtemps, de nombreux chefs d’entreprise devant leurs actionnaires mais aussi et surtout devant l’Etat. Ce parallélisme n’est jamais que du bon sens. Il faudra bien un jour l’adopter.