
Il y a eu 39 ans ce dimanche, un peu plus de la moitié des Français exultaient : leur candidat François Mitterand était devenu Président de la République. Aujourd’hui Emmanuel Macron entame la troisième année de son mandat et ce sont tous les Français qui ont le moral bien bas alors que pourtant depuis ce lundi le déconfinement a été mis en place. Ce rappel suscite parfois de la nostalgie et invite à une réflexion sur deux hommes en théorie si opposés.
Quelles sont donc les différences entre le leader d’hier et celui qui préside aujourd’hui notre pays ?
La première est évidente : pour arriver au pouvoir l’un a adopté le rythme de l’escargot, l’autre celui du léopard !
Dix fois enterré, jamais mort, virevoltant de la droite à la gauche avec la plus parfaite aisance, député et élu local cumulard, ministre mais jamais Président du Conseil, François Mitterand a bataillé toute sa longue vie publique pour parvenir à l’honneur suprême. Son lointain successeur a, lui, brûlé les étapes et s’est emparé du pouvoir comme un voleur à la tire s’empare avec adresse des porte-feuilles qui trainent dans les poches innocentes un jour de marché.
La deuxième différence tient dans leur méconnaissance profonde (au moment de leur élection) de l’Economie pour l’un, de la Politique pour l’autre.
Mitterrand regardait avec mépris l’Economie, la jugeant par nature très subalterne à l’art politique. Et de toutes les façons parfaitement étrangère à sa culture classique qui lui faisait mettre au plus haut Jacques Chardonne le romancier charentais ( comme lui) et presqu’au plus bas les penseurs qui d’ordinaire servent de guide aux technocrates de Bercy.
D’une certaine façon, il était tout le contraire d’Emmanuel Macron,( Inspecteur des Finances et Associé-Gérant de la Banque Rotshild), le parfait bon élève dont les connaissances techniques, certes importantes, ne l’avaient pas préparé à la compréhension, voire à la manipulation d’un peuple parfois insupportable, souvent versatile et toujours plein de certitudes.
Au delà de ces différences, des similitudes existent.
La première c’est la surprise que leur élection a causée.
On l’a souvent oublié, mais trois mois avant le scrutin c’est seulement une minorité qui, dans l’un et l’autre cas osait croire à leurs victoires. Les observateurs pensaient en 1981 que le vieux cheval de retour ne passerait pas l’obstacle de la compétence giscardienne ; en 2017 les mêmes estimaient que la tentative du « nouveau monde » ferait vite long feu, bloquée par les partis traditionnels et le manque de savoir-faire du candidat en matière de campagne électorale.
La seconde similitude, la plus surprenante sans doute, tient au fait que pour l’un et l’autre, le temps de l’euphorie n’a pas dépassé deux ans. C’est peu pour des victoires qui semblaient avoir modifié en profondeur le paysage politique.
En 1981 Mitterrand a appliqué son programme à la lettre car tout paraissait possible. L’Union de la Gauche imposait son rythme, ses rêves, ses nationalisations systématiques. Deux ans tard, la sortie de route et l’échec devenaient une quasi certitude. Le Président en a tiré les leçons et engagé très vite et fort une politique de rigueur. Il a ainsi évité le désastre. L’opinion publique n’a pas vraiment été surprise car toute la vie politique de celui qui était devenu Chef de l’Etat était parsemée de ces changements de pieds. C’était dans la logique du personnage.
Aujourd’hui devant le tsunami que commence à subir notre économie nous sommes sans aucun doute à la veille d’un changement de cap tout aussi violent.
Ce retournement était quasiment iimpensable il y a encore quelques mois. La politique appliquée depuis 2017 semblait produire ses effets en particulier en matière de lutte contre le chômage ; les réformes devaient continuer !
La Covid 19 en a décidé autrement. La croissance s’effondre, des pans entiers de notre industrie et de notre commerce sont menacés, le chômage de masse arrive au galop. Tout cela implique une nouvelle stratégie. Emmanuel Macron nous a prévenus, elle est clairement annoncée.
Ce type de retournement, ou disons plus crûment de reniement, a été une réussite pour l’ancien Président, politicien emblématique de l’ancien monde. Il lui a même, en partie, permis d’être réélu sans problème. Il était devenu le Président de la synthèse ; image bienveillante qu’il n’avait surtout pas méritée au début de son septennat.
En ira-t-il de même avec Emmanuel Macron, après avoir mis en place une politique économique largement aux antipodes de celle appliquée jusqu’alors? Rien n’est moins sûr.
Mais ses partisans feront remarquer que c’est dans ce genre de terrible épreuve, qu’au final certains gouvernants deviennent de véritables hommes d’Etat, dont pourraient se souvenir avec empathie les citoyens de ce pays, tellement compliqué et irritant.
Pays où règne , quasiment de manière obsessionnelle, le « y a qu’à » prononcé le plus souvent par ceux- là même qui n’ont pas pu ou voulu exercer des responsabilités publiques.