Depuis bientôt 6 mois la France vit au rythme du mouvement des Gilets jaunes, et de ses rendez-vous rituels de fin de semaine. Le canard sans tête, pourtant de plus en plus efflanqué, se réveille chaque semaine, sous l’influence des messages « pondus » par des leaders pontifiants. Ces derniers se calfeutrent derrière les réseaux sociaux et baignent dans une irresponsabilité de principe.
On peut se demander quel autre pays démocratique aurait pu tolérer une telle pagaille aussi longtemps. Un jour les historiens pourront tranquillement démêler les fils de cette confrontation et l’on aura peut être des surprises.
Mais d’ores et déjà on peut estimer que le facteur déterminant aura été la haine qui porte les gilets jaunes. Celle-ci trouve bien évidemment sa source dans la demande d’amélioration du niveau de vie d’une certaine catégorie de la population : il y a , et c’est plus que légitime, de réels besoins , mais il y a aussi, et c’est beaucoup plus diffus et trouble, l’envie qui ronge de posséder les attributs et produits de la modernité et de la technologie. On prétend, dans certains cas, ne plus pouvoir vivre alors que l’on a, au préalable, trop rapidement, chargé la barque de produits nouveaux, chers, et générateurs de versements onéreux et répétitifs.
Mais cette haine, qui transporte plus ou moins consciemment certains gilets jaunes, dépasse la simple demande d’amélioration du niveau de vie. Cette détestation trouve son origine dans la répulsion que provoque de plus en plus les élites de notre pays.
Emmanuel Macron est le symbole de cet élitisme. Pour cette raison il est la carburant de cette haine. D’où la menace disproportionnée, violente qui conduit à exiger la démission, voire, pour les plus fous, la montée sur l’échafaud.
Désormais l’élitisme est pour certains désespérés des rond-points, une sorte de tare, pratiquement inconnue dans les pays comparables au nôtre. Les « premiers de cordée », de droite ou de gauche, n’entrainent plus l’adhésion des classes moyennes inférieures, mais leur rejet.
Les difficultés actuelles du Président s’expliquent largement par ce brutal changement de perception.
Il est vrai que sa façon d’être chef d’état, et surtout son langage peuvent parfois être perçus comme méprisants.
Mais à qui la faute ?
Au risque de choquer, il faut dire que les Français y ont leur part.
En effet on ne peut avoir, hier, critiqué les hommes politiques de l’ancien monde pour leur langue de bois et, aujourd’hui, ne pas supporter les formules claires et nettes et parfois sévères de l’hôte de l’Elysée.
De la même façon on ne peut, hier, avoir éjecté comme un fantaisiste, son prédécesseur (dont les Français n’en pouvaient plus de supporter les atermoiements, les phrases alambiquées, et les images comiques véhiculées tout au long de son quinquennat) et, aujourd’hui, menacer de la potence son exact opposé, sous prétexte qu’il veut aller trop vite et trop loin.
Tout n’est certainement pas faux dans les critiques qui lui sont adressées. Mais, tout autant que sa personnalité, il faut en trouver l’origine dans sa propre formation élitiste.
L’ENA qui, de plus en plus, monopolise le pouvoir, n’a pas été, à l’origine crée pour cela.
Michel Debré avait voulu inventer une armée de serviteurs de l’Etat, or nous nous retrouvons aujourd’hui devant un chapelet de dignitaires , individualistes et ambitieux. Pour parvenir là où ils sont, ils ont certes beaucoup travaillé : au lycée, dans les prépas, et passé les concours les plus difficiles. Mais dans leur grande majorité ce sont des produits de serre tropicale que n’ont jamais affronté le froid et la pluie.
Comment peuvent-ils vraiment comprendre la France d’aujourd’hui, eux qui n’ont fait que des stages sur mesure mais qui ne sont pas vraiment descendus sur le terrain pour travailler comme des millions de Français et cela pendant de nombreux mois.
Cela n’aurait rien enlevé à leur intelligence et à leur formation. Cela leur aurait apporté une meilleure connaissance des Français et le respect des plus modestes.
D’une certaine façon c’est une sorte de petite « révolution culturelle » à la chinoise que devrait lancer Emmanuel Macron.
Il est vrai que dans ce cas on ne l’appellerait plus Jupiter mais Mao.