Le Sénat, maître du jeu ?

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BFM TV

 

Les professeurs de droit public ont trouvé un énorme os à ronger : le rapport rédigé par la commission sénatoriale sur l’affaire Benalla.

Ce rapport est très sévère, non seulement sur les agissements acrobatiques de l’ancien collaborateur du Président mais il l’est aussi (ce qui est plus surprenant) avec ses supérieurs et surtout avec l’organisation de l’Elysée.

Sans surprise, s’est aussitôt posée la question de savoir  si les sénateurs étaient sortis de leur domaine de compétence.

En d’autres termes le principe essentiel de la séparation des pouvoirs a-t-il été respecté ?

Les avis divergent et certains juristes estiment que les sénateurs sont sortis des rails.

Plus papelard que jamais, Phillipe Bas, président de la Commission, s’étonne de cette critique et prétend qu’au final cette dernière n’avait qu’un but : protéger l’Elysée. Ce qui évidemment ne trompe pas grand monde !

Ce débat de juristes est peut-être intéressant, mais pour certains observateurs il s’agit, sans que cela soit dit, d’un véritable combat d’ordre politique.

La commission sénatoriale est pour eux l’arme cachée, inattendue, dont dispose le Sénat dans la guerre larvée qui l’oppose à la présidence depuis de nombreux mois.

Ce procès est-il justifié ? N’y a-t-il pas une véritable exagération ?

La suite du feuilleton Benalla nous apportera peut-être la réponse.

Disons, en tous les cas, que ce type de conflit ne serait pas une nouveauté sous la 5eme République : c’est ainsi qu’un ancien président du Sénat ( Gaston Monnerville) était même allé en 1962 jusqu’à accusé le général De Gaulle de forfaiture.

Constatons aussi que les sénateurs ne manquent pas une occasion de faire observer qu’avec sa majorité de droite classique, le Sénat est la seule opposition légale et structurée qui puisse actuellement se faire entendre. Et de ce point de vue les épisodes qui s’annoncent peuvent redonner des forces à un parti ( L R ) bien mal en point avec son président aux convictions variables, avec le temps et la vitesse du vent.

Mais les analystes qui ne veulent pas s’en tenir aux seules arguties juridiques vont encore plus loin.

Ils rappellent que le Sénat ( plus que l’Assemblée) est menacée par le projet de réforme institutionnelle. C’est en effet près du tiers des postes de sénateurs qui serait appelé à disparaître. Dans ces conditions il ne faut pas s’étonner que le Sénat n’éprouve pas une sympathie très forte pour un Président qui s’en prend aussi violemment au pouvoir législatif et tout particulièrement aux sages du Palais du Luxembourg.

D’où le soupçon à l’égard de la commission, qui dans ce scénario est surtout devenu la bras armé de la révolte.

Dans la bagarre occulte qui, pour certains, est engagée, Emmanuel Macron dispose désormais d’alliés totalement inattendus : les gilets jaunes et la majorité des participants au Grand Débat.

En effet dans ces deux univers, une aspiration populiste très forte,( mais aussi très injuste quand on connait la qualité du travail fourni par la Haute Assemblée) se dessine. Elle vise à aller encore plus loin que le projet gouvernemental dans la réduction des effectifs du  Sénat.

Conclusion : dans cette affaire nous sommes arrivés à un tournant. Dans 3 semaines, Gérard Larcher et son bureau vont devoir se prononcer sur la suite à donner au rapport.

Mission particulièrement difficile! Soutenir à fond la phalange de Phillipe Bas, cela équivaut à déclencher les hostilités avec au final les plus grands risques pour l’institution. Reculer sans contre-partie c’est perdre la face et créer un sérieux doute sur l’utilité de la deuxième chambre.

    On saura bientôt si c’est la guerre nucléaire ou la paix ces sages qui l’emporte au Palais du Luxembourg .