photo : La Commère
Encore quelques jours et le pire sera arrivé ! Demain peut-être, par malheur, nous serons quasi insensiblement passés de la comédie bon enfant de certains gilets jaunes à la vraie tragédie initiée par d’autres énergumènes de la même tribu, rejoints et dépassés par des casseurs professionnels. Nous serons partis d’un problème économique important mais bien délimité ( l’augmentation des taxes pétrolières), pour arriver à un conflit d’une toute autre ampleur qui ébranle les fondements même de notre République.
C’est ainsi que la France est obligée parfois de payer son incapacité à se réformer ; quitte paradoxalement, au final, à renoncer aux réformes et à se résigner au conservatisme.
Comme on l’a dit dès le début de cette triste histoire, il est de plus en plus inutile d’énoncer et de commenter les mesures prises par le gouvernement en matière de pouvoir d’achat ; sa communication a été faiblarde et les dispositifs trop complexes et trop étalés dans le temps.
On peut au moins, à la veille de la bataille se livrer certaines comparaisons.
-Par exemple avec l’Italie, où aujourd’hui le gouvernement populiste créé par l’alliance de la Ligue d’extrême-droite et du Mouvement 5 étoiles d’extrême-gauche se heurte inexorablement aux durs pépins de la réalité. Il y a un mois à peine, ces deux composants improbables se vantaient d’arriver à faire plier Bruxelles. Leur budget hors normes passerait, disaient-ils pleins de certitudes et de morgue, au dessus des injonctions de l’Union Européenne. Aujourd’hui, plus modestes, ils demandent ,quasiment repentants à genoux, l’armistice; leur pays croule sous les dettes et frôle la banqueroute.
Du délire ils reviennent à la « réalpolitik » qu’exigent non seulement les technocrates de Bruxelles mais aussi les autres peuples qui eux aussi veulent vivre décemment. Les incantations illusoires ne sont plus de saison à Rome ; elles ne seront pas plus à Paris.
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, très compréhensifs à l’égard des excès et délires de certains gilets jaunes, devraient en tirer des leçons pour suggérer plus de réalisme à leurs amis. Tâche quasiment impossible pour deux responsables politiques dont la démagogie et l’incompétence constituent la marque essentielle.
Etonnons nous aussi du silence de nos département antillais dont, pour l’instant et à tort, nous nous préoccupons très peu.
Alors que la Réunion explose depuis trois semaines, la Guadeloupe et la Martinique se refusent encore à revêtir des gilets jaunes. Les Antillais avaient pourtant en 2009 ( et pendant plus de 40 jours), donné un impressionnant exemple de lutte pour l’amélioration du pouvoir d’achat. Au final, le gouvernement Fillon avait largement accepté leurs demandes ; lesquelles étaient assez proches de celles exprimées par les « gilets jaunes ». Aujourd’hui c’est prudence et presque silence du côté de la Montagne Pelée et de la Soufrière ! En effet, Martiniquais et Guadeloupéens gardent un souvenir très vif des répercussions de cette grève sur l’économie des îles ; de quoi décourager aujourd’hui tout mouvement d’ampleur.
Leurs leaders leur avaient dit chaque jour « tchimbe red pa moli », tenez bon, ne faiblissez pas. En quelque sorte le même type de slogans dont à longueur de journée s’enivrent les gilets jaunes.
De ce mouvement de 2009 et de la retenue qu’il provoque aujourd’hui, les contestataires de 2018 auraient beaucoup à retenir. Mais nos politiques hexagonaux, que ce soit surtout ceux appartenant au Rassemblement National ou à La France insoumise ou même ceux appartenant à des partis politiques plus traditionnels se gardent bien de les alerter. Ils préfèrent les récupérer voire les manipuler plutôt que de leur faire remarquer, exemple à l’appui, que faute de réalisme c’est une impasse qui se profile à terme.
Dans cet ordre d’idée, comment ne pas être profondément heurté par l’inconscience de certains responsables de première importance qui oublient qu’une vraie démocratie doit aller de pair avec la pratique de la vérité. Qu’en somme, eux, plus que tout autre citoyen, ne peuvent, par ambition, et sans cesse comme ils le font sans aucune pudeur, renier aujourd’hui ce qu’ils ont affirmé ou affiché la veille en public. Qu’ils doivent arrêter de mentir comme certains bégaient ou respirent. Il arrive en effet que, lorsque la marée de la rue s’est retirée, le peuple dans les bureaux de vote ait de la mémoire et sanctionne la démagogie la plus crasse.