
Les populistes en avaient rêvé ! Les gilets jaunes sont peut-être à deux doigts de réaliser l’exploit : la République est interloquée , son Président est sous la menace d’une démission forcée. Le Nouveau Monde cher à Emmanuel Macron affronte soudainement une véritable tempête.
A la veille des manifestations on constate d’abord que dans le domaine de la communication, l’Exécutif est largement dépassé par les manifestants.
Ces derniers, utilisateurs forcenés des réseaux sociaux, sont de véritables champions. Ignorant les filières habituelles ils ont réuni au cours de leur première manifestation un peu plus de 300.000 participants dans l’ensemble de la France. Si une manifestation classique des syndicats s’était soldée par ce même chiffre tous les observateurs auraient parlé de semi échec ; avec les gilets jaunes ils crient au triomphe, frappés par la thrombose qui menace le pays !
Il est vrai que les manifestants ne se sont pas embarrassés des contraintes juridiques habituelles mais qu’au contraire ils ont d’une certaine façon pris en otage leurs concitoyens. Peu importe, puisque beaucoup de ces derniers, sans doute victimes de ce qu’on appelle le syndrome de Stockholm, ont dégouliné de compréhension et porté aux nues les rebelles de la route.
En face de cette réussite, l’Exécutif n’a pas jusqu’alors trouvé la réponse adéquate. Le Premier Ministre, en bon élève d’Alain Juppé, est resté droit dans ses bottes, image quasi caricaturale du « pète sec » de service.
Mais surtout Emmanuel Macron n’a pas su être ce Président que les Français attendent depuis longtemps, impérieux certes mais protecteur également!
Son discours, pourtant objectivement remarquable pour ceux qui ont eu l’honnêteté de l’écouter jusqu’au bout, présentait deux défauts.
D’abord il était ambigu dans la mesure où le Président a pris le risque de s’adresser , dans le même temps, à deux publics très différents. D’un côté à un aréopage composé d’élus et de spécialistes de la transition énergétique, et de l’autre à des contestataires décidés à ignorer tout raisonnement magistral, équilibré et réaliste. Les premiers ont l’habitude d’écouter de la musique classique, les seconds n’en ont que faire et ont quitté la salle dès les premières mesures de ce récital beaucoup trop long.
Sur le fond les mesures présentées étaient (c’était couru d’avance) insuffisantes compte tenu des exigences de principe des gilets jaunes et de ceux nombreux qui les soutiennent;
Avec l’émergence progressive de ces nouveaux alliés, on assiste désormais à un véritable bouleversement. Les acteurs du mouvement se veulent indépendants mais en voulant s’appuyer sur la majorité des Français sans passer par la médiation des syndicats, ils sont devenus, en quelque sorte par procuration, les porte-parole de tous les insatisfaits, y compris des catégories sociales relativement privilégiées ; dans les grandes villes il n’y a pas que des petites cylindrées qui affichent ostensiblement sur leur tableau de bord le fameux gilet jaune. C’est le refus de l’impôt pur et simple et l’on est de plus en plus loin du problème initial de l’augmentation du prix des carburants.
Dans cette affaire les syndicats brillent par leur discrétion. Non seulement parce qu’ils ne sont pas désirés mais aussi, pour certains, parce que leur connaissance objective de la situation économique de notre pays les inquiète. Les confédérations syndicales les plus responsables perçoivent très bien que pour notre économie c’est l’heure de tous les dangers. Comme le dit Patrick Artus dans Le Point « les difficultés structurelles de l’économie française et la nécessité de certains ajustements vont conduire à une dégradation encore plus forte de la situation des Français ».
En somme il faudra choisir entre réduction d’impôt d’une part et protection sociale exemplaire ou services publiques pléthoriques de l’autre.
C’est précisément ce que le Président veut faire admettre aux mécontents des barrages. Vaste tâche ! Surtout quand les demandes irréalistes sont reprises par des partis d’opposition où l’incompétence des extrémistes de droite et de gauche n’a d’égal que la démagogie de certains leaders des anciens partis de gouvernement.