
La grève qui s’est installée à la SNCF n’est pas un mouvement ordinaire. Il va beaucoup plus loin que la classique défense des salaires et constitue une sorte d’étape décisive qui apportera des réponses à une double interrogation.
La première des questions : sommes-nous enfin décidés à rejoindre le concert général des nations ou, au contraire, sommes nous encore attachés à notre modèle, très rare, où les contraintes sociales défient les réalités économiques ? La réforme de la SNCF est la fille de ce nécessaire changement de perspectives. Elle est pour l’essentiel portée par un double objectif : la viabilité économique et l’acceptation de la concurrence voulue par les accords européens.
Cette démarche, n’est pas admise par une minorité de cheminots ni par la plupart de leurs syndicats qui veulent imposer le statu quo. Pour eux, nous sommes dans une bulle qui doit perdurer, quel que soit l’avenir économique de l’entreprise. En somme, certains pensent qu’il n’y a qu’à se replier dans notre forteresse dans l’attente des beaux jours.
Aujourd’hui avec nos débats sourcilleux et byzantins, nous devons ressembler pour nos voisins à ces baigneurs qui ont toujours peur de la fraîcheur de l’eau. Nous nous contentons d’avancer un pied puis fuyons avec force cris et lamentations ; cela fait rire les nageurs courageux, nos concurrents.
La deuxième interrogation est cohérente avec la précédente : les syndicats français sont-ils adaptés à la situation économique actuelle ? On peut parfois en douter.
Ils sont essentiellement contestataires et assez souvent attachés à des idéologies politiques. En somme plus proches du « grand soir » que de la réforme.
Certes une évolution importante s’est produite avec la perte par la CGT de la première place au profit de la réformiste CFDT. Mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, car un procès en faiblesse, voire de collaboration avec le monde patronal, est toujours fait aux syndicats réformateurs.
On le voit avec ce conflit du rail, où la CGT continue à se vouloir la référence absolue. Cette prétention est d’autant plus paradoxale que le syndicat de Philippe Martinez est dans cette affaire, non pas le porte-parole des plus faibles des salariés, mais celui des plus privilégiés et des plus préservés des aléas de l’économie.
Les difficultés provoquées par ce projet de réforme peuvent cependant avoir une suite positive en faisant naître un syndicalisme responsable, du type de celui qui prévaut en Allemagne depuis plus de 50 ans.
De l’autre côté du Rhin, toutes les parties assument clairement leurs responsabilités. Il en va différemment en France où nous nous réfugions trop systématiquement dans la contestation primaire et la fracture.
Le résultat nous saute encore aux yeux. La Deutsche Bahn est aujourd’hui une entreprise en ordre de marche, alors que notre SNCF se dirige tout droit vers l’abîme. Notre conservatisme nous a asphyxiés.