Le bras de fer

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            Inutile de se faire la moindre illusion : le trimestre à venir sera très pénible pour les clients de la SNCF. Il en ira de même pour la France entière qui devra -au moment où la croissance semble enfin vouloir nous gratifier de ces bienfaits- encaisser de plein fouet un fléchissement catastrophique de son activité.

On savait la guerre inéluctable, car la volonté du gouvernement de réformer la SNCF se heurte à d’énormes difficultés.

Cette réforme est pourtant particulièrement urgente compte tenu de l’état actuel de l’entreprise avec sa dette colossale et ses énormes déficits annuels. Elle ne pourra retrouver la santé que si au moins trois changements sont effectués :

D’abord améliorer le réseau  en profondeur. Cela passe essentiellement par l’arrêt de la préférence accordée aux lignes TGV. Le clientélisme de nos gouvernements successifs à l’égard des grandes métropoles régionales a sans doute provoqué cette erreur stratégique. Il est plus que temps de revenir aux valeurs communes à toutes les entreprises : à savoir donner satisfaction à la très grande majorité de la clientèle. D’où un effort gigantesque vers les lignes classiques (tout particulièrement celles de la région parisienne) mais aussi vers les lignes les plus modestes de notre espace national.

Ensuite, remettre en cause, progressivement, l’existence d’un domaine dont le grand public a le plus grand mal à cerner tous les détours et les caches : celui de l’espèce de « rente » tout à fait exceptionnelle dont bénéficient certains salariés de l’entreprise. La liste de ces avantages est presque aussi longue que les horaires des départs « Grandes lignes » de la Gare de Lyon. Il suffit pour les caractériser de mettre en avant la possibilité pour les conducteurs de partir en retraite plus de 10 ans avant le commun des salariés. Et l’on passera sous silence l’obscur « taquet » qui génère un jour de repos supplémentaire dès que l’on dépasse d’une seule heure un service initialement prévu jusqu’à 19 heures. En somme l’abondance au royaume du Père Ubu !

Enfin et surtout, la mise en place d’une véritable concurrence. Le rail disent les grévistes doit échapper à cette intrusion.  Cette concurrence honnie par les cheminots est pourtant incontournable car nos gouvernements ont accepté cette règle européenne depuis longtemps. On ne voit d’ailleurs pas le risque pour les clients et usagers. L’exemple italien le montre très largement tant au niveau du prix qu’à celui de la qualité de la prestation. D’ailleurs en France un changement similaire a été opéré il y a plus de 20 ans dans le secteur des télécommunications. Grâce à cette modification, les Français ont définitivement échappé aux affres du « 22 à Asniéres » et la bataille entre Orange et ses concurrents leur permet enfin d’affronter les exigences du monde moderne.

Ces trois premiers éléments ne sont pas décisifs pour comprendre la bataille qui s’annonce. En réalité nous sommes aujourd’hui en présence d’un véritable bras de fer dont le résultat engage l’avenir des protagonistes :

D’un côté les syndicats protestataires classiques, qui ont trouvé dans la SNCF un « nid » très précieux. C’est manifeste depuis longtemps et à ce propos un chiffre dit tout : avec seulement 1% des salariés français, la SNCF comptabilise 25 % des jours de grève enregistrés en France.

Ce chiffre est d’autant plus spectaculaire qu’il est généré par une minorité de cheminots. C’est ainsi que pour cette première séquence ce sont les seuls roulants qui génèrent la thrombose. Certes 77%d’entre eux sont en grève, mais ils ne sont que 15% des effectifs totaux ; alors que les grévistes sont minoritaires dans le reste des effectifs.

   Que faire face à ce pouvoir de la minorité « qualifiée », utilisée par une CGT de plus en plus paradoxale ; cette centrale qui, partout sur une pente descendante, continue  à défendre bec et ongles les intérêts particuliers de professions hyper protégées (comme celle des dockers et des cheminots)  au mépris des intérêts économiques et sociaux de l’ensemble du pays et au détriment des simples salariés qui, eux, vont « ramer » comme des malheureux .

       Evidemment il faut trouver un compromis ! Mais la marge de manoeuvre du Président et de son gouvernement est extrêmement réduite.

S’il cède sur l’essentiel, c’en est fini pour lui. Il ne sera plus qu’une ombre de pouvoir. Les réformes seront remises aux calendes grecques. Le jeu des dominos commencera : plus aucune réforme, dans quelque domaine que ce soit, ne sera possible. Il n’y aura plus de pouvoir exécutif.

L’enjeu est considérable et il l’est tout autant pour les syndicats uniquement contestataires comme peut l’être la CGT. Celle-ci a réussi l’exploit, unique dans notre monde occidental, de survivre malgré la quasi disparition du Parti Communiste son « patron » traditionnel. Une défaite dans l’affrontement qu’elle vient de générer équivaudrait sans doute à son éclatement fatal et au début de la fin. On ne stresse pas qu’à l’Elysée, on tremble aussi Porte de Montreuil.

En définitive, le défi que viennent de lancer certains syndicats va nous apporter un enseignement essentiel. Qui est vraiment Emmanuel Macron ?

Le responsable de Sud Rail l’affirme ironiquement : « il n’est pas Dieu, il devra céder ». Cette suffisance en dit d’ailleurs long sur l’incohérence et l’irresponsabilité d’une certaine démarche syndicale.

Quoi qu’il en soit, si Le Président est pris au piège, s’il cède et capitule ( lui pourtant investi par le suffrage universel), les Français admettront aussitôt qu’ils ont fait au mois de mai dernier une énorme erreur de casting et qu’ils n’ont pas confié leur sort et leur avenir à un véritable « homme d’Etat ».

Dommage, ils attendent depuis trop longtemps cet oiseau rare.