Il y a peu, certains politiques affirmaient avec assurance, qu’Emmanuel Macron était le clone de François Hollande. Aujourd’hui le verdict est sans aucune ambiguïté. Les deux Présidents n’ont vraiment pas grandchose en commun. L’ancien Président se voulait consensuel. Son ambiguïté et ses atermoiements irritèrent les Français qui finirent au final par ne plus adhérer ni à sa personne ni à sa démarche politique. Son successeur, qui pourtant nous immerge parfois dans des analyses de haute volée ( cf celle du Point du 3I août), tranche vite et parfois brutalement. En somme la douche froide a remplacé le filet d’eau tiède. Le changement est brutal ; les textes portant réforme dans de nombreux domaines s’accumulent à une vitesse spectaculaire, aux antipodes des débuts « planplan » de François Hollande en 2012. Pourtant si Emmanuel Macron n’y veille pas sérieusement il sera vite perçu comme un dirigeant méprisant, trop éloigné de ses concitoyens. Il est vrai que ce n’est pas en traitant les ouvrières de l’usine G A D d’illettrées, ou les opposants à la Loi Travail « de fainéants, de cyniques, ou d’extrémistes » qu’il entraînera derrière lui une majorité de Français ( même si, d’après lui et ses ministres, ils ne visaient que les leaders de la contestation et ses propres prédécesseurs qui ont trop tardé à prendre le taureau par les cornes). Nous sommes ainsi faits ( et c’est particulièrement vrai depuis l’arrivée de la communication de masse), que nous adoptons une attitude paradoxale : nous critiquons la langue de bois des politiques, mais à l’opposé nous ne supportons pas qu’ils mettent en cause, sans prudence, les simples 18/01/2018 Le choix- Henri Merle http://www.henrimerle.com/Les-editos-d-henri-merle-le-choix-i281-a-imprimer.html 2/2 citoyens. Tout le monde sait pertinemment que les ouvrières de Gad manquaient très majoritairement de la formation la plus élémentaire, ou que certains salariés, souvent les plus protégés par la loi , cumulent statuts hyperprotecteurs ou retraite précoce ( comme c’est le cas avec les Dockers ou à la SNCF). Mais une quasiunanimité se fait pour refuser d’en parler publiquement, la pudeur bloque, il y a des choses qui ne se disent pas. De ces blocages culturels, le Président n’a cure. Pour lui, il est temps de mettre la langue de bois au vestiaire. Elle n’est pour lui qu’un instrument de camouflage de nos difficultés. Il faut faire disparaître cette détestable habitude qui veut que dans l’opposition on peut tout dire, mais qu’une fois au pouvoir il faut peser ses mots avec un trébuchet. Aujourd’hui le Président a vraisemblablement tort, les Français n’y sont pas encore prêts et luimême n’a pas encore un bilan suffisant pour avoir l’autorité nécessaire pour casser les codes. La question essentielle est de savoir si enfin ,bientôt, nous accepterons ce langage de vérité ; même si nous sommes heurtés par sa rudesse. Cela sera très difficile, mais pas impossible. La rue l’emporteratelle comme trop souvent ? On ne va pas tarder à le savoir. Nous sommes en effet à une période charnière. D’un côté, le statu quo qui rassure, de l’autre, la remise en cause de nos sacrosaintes habitudes et des boulets qu’elles génèrent sans cesse. Aujourd’hui, nous sommes au bord d’un choix manichéen : le rejet, d’ un président jugé trop méprisant ou, à terme, le triomphe du même homme, parce qu’au final il aura fait gagner notre pays, malgré ou à cause de ses écarts de langage