Les régimes spéciaux font leur cinéma ?

Le Train film 1964

En France Il est vraiment difficile d’installer les réformes que bien d’autres pays jugeraient absolument indispensables et urgentes. Cela tient, bien sur, à notre tempérament  mais aussi aux réflexes de notre monde politique et aux habitudes de notre univers syndical.

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Si  l’on réussit à prendre un peu de recul, ce qui caractérise aujourd’hui notre espace politique c’est l’influence pernicieuse du quinquennat qui provoque  dès aujourd’hui  la focalisation sûr l’élection de 2027. Le mandat actuel à peine commencé, les candidats potentiels sont déjà dans les starting-blocks et le Président en place voit son autorité s’effilocher rapidement. Cette dérive est très loin d’être idéale pour imposer une réforme des retraites qui par ailleurs n’est soutenue à l’Assemblée Nationale que par une majorité toute relative.

Cette faiblesse politique est très largement aggravée par les réactions ambigües ou irresponsables de certains leaders syndicaux :

Le projet de réforme des retraites se trouve aujourd’hui violemment contesté par quasiment toutes les forces syndicales , et surtout par les plus puissantes : 

– la CFDT tout d’abord.  Son opposition sans nuances est surprenante dans la mesure où, il y a à peine deux ans, elle s’était déclarée en grande partie favorable à une réforme gouvernementale des retraites pourtant beaucoup plus large et profonde  que celle qui est aujourd’hui en cause.

 Il était en effet question de remplacer l’actuel et historique système de répartition par un système à points très éloignée du système sacro-saint créé en 1945.

Pour comprendre ce virement assez surprenant, il ne faut pas oublier les rapports particulièrement difficiles entre le patron de ce syndicat et Emmanuel Macron,  mais il faut avant tout se rappeler que dans le même temps la hiérarchie syndicale a été profondément bouleversée : la CFDT s’est installée, ces tous derniers temps, à la 1ere place. Celle occupée jusqu’alors par la CGT.

Dans  ces conditions, la prudence impose à Laurent Berger d’éviter de croire que la primauté du syndicat qu’il dirige est définitivement établie. Il serait trop risqué, pour le moment, de remettre en cause l’union syndicale.

 Son syndicat de nature réformatrice n’est pas encore assez fort, il doit faire cause commune avec les syndicats les plus politisés. Et 

cette cause commune entraine forcément le blocage total de la réforme des retraites. 

Cette reculade a un double défaut : celui de redonner à la CGT une autorité qu’elle était en train de perdre et celui d’empêcher l’émergence définitive du syndicalisme moderne tel qu’il existe partout des l’Union européenne.

C’est en réalité un piège dans lequel s’est désormais enfermé la CFDT.  En procédant ainsi, elle a largement perdu son image d’organisation capable de répondre aux exigences d’adaptation d’une économie moderne.

  • Le rôle que s’attribue la CGT dans cette bagarre avec l’exécutif , ne surprend absolument pas. Son opposition, son entêtement quasi institutionnel, voire maladif, tient au fait que désormais le syndicat de Philippe Martinez est sous la dépendance totale des branches syndicales les plus privilégiées et les plus fortes de notre pays. La CGT est en réalité sous perfusion. Elle est sous la dépendance de ses syndicats dominants de la SNCF, de la RATP, des Ports et Doks et bien évidemment de l’énergie, pétrole et électricité. En effet seuls ces organisations possèdent le pouvoir de vraiment influencer l’opinion par les dures contraintes qu’elle peuvent générer. Les arrêts complets de l’activité dans ces secteurs constituent une arme autrement puissante que les défilés dans les rues.
  • Le paradoxe tient au fait que ces syndicats très revendicatifs sont pourtant ceux qui sont le moins agressés par la réforme en cours, puisque leurs chers régimes spéciaux seront conservés pour de très longues années encore grâce à la « clause dite du grand-père ».
  • Ces bataillons des régimes spéciaux constituent en quelque sorte l’arme nucléaire dans la guerre qui est en train de s’installer dans  l’Hexagone. En effet les manifestations, même les plus nombreuses, sont inefficaces si elles ne sont pas devancées par l’arrêt des trains, du métro, des raffineries et des centrales électriques.
  • La CGT, avec un patron de plus en plus contesté à la veille de son proche départ, est en réalité sous la dépendance de cette sorte d’élite ouvrière qui pour protéger à jamais ses avantages acquis ( qui souvent ne se justifient plus aujourd’hui que très partiellement) érige le blocage total de notre économie en arme absolue. En fait sa solidarité avec le reste du monde ouvrier n’est qu’une apparence.

Dans les jours et semaines qui viennent, le conflit en cours va devenir de plus en plus violent, comme les menaces proférées contre les élus favorables à la réforme le font craindre.

 Et que dire du sabotage d’une ligne en partance de la Gare de l’Est ! Espérons que son origine ne provienne pas de directives émises par l’encadrement syndical. 

Retenons seulement l’hypothèse d’initiatives individuelles. Celles par exemple de cheminots inspirés par le film « Le Train » qu’ils auraient pu voir sur Arte, deux jours avant leur déprédation.

Ce film remarquable retraçait un sabotage ferroviaire perpétré par des cheminots et réalisé ( coïncidence  très étonnante) dans la même gare : celle de Vaires sur Marne.

Rien à craindre bien évidemment, on est pas encore en guerre. Et puis surtout il s’agissait d’un temps où les cheminots étaient des héros.