Chamboulement syndical

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Le Monde

 

 

Près de 40 jours de conflit très dur et pourtant la fin du tunnel n’est pas encore en vue ; mais des certitudes et une interrogation se sont progressivement installées.

Il y a deux quasi certitudes :

Le vaincu, c’est Phillipe Martinez le secrétaire général de la CGT.

D’une certaine façon il fait désormais penser à une bête sauvage enfermée dans un piège. Poussé par sa culture militante, il s’est cru incontournable et ne sait plus comment sortir de la nasse dans laquelle l’ a poussé sa propre base.

il a sans doute pensé qu’il ferait plier le gouvernement, comme beaucoup de ses prédécesseurs l’ont réussi dans le passé. Cette victoire était pour lui une absolue nécessité. Or on en est très loin.

A la tête d’une centrale syndicale de plus en plus affaiblie, Il ne peut plus désormais compter que sur les salariés les plus privilégiés ( SNCF, RATF, Ports, Raffineries) ; pas de quoi entrainer au sacrifice le monde du travail.

La descente aux enfers s’accentue : c’est sa base qui lui dicte très souvent les positions à prendre et, pire, un de ses adjoints, Laurent Brun secrétaire de la Fédération des cheminots, se prend pour un nouveau Lénine et se prépare à devenir calife à la place du calife à la moustache.

De plus Phillipe Martinez refuse tout compromis et exige, contre tout bon sens, le retour à la retraite généralisée à 60 ans pour tous ceux qui ne bénéficient pas de régimes spéciaux. Ceci à l’image, ou à l’inspiration, de son maître à penser, le vieil et évanescent Parti communiste Français

Proposition qui doit faire éclater de rire les salariés et les gouvernements de pratiquement tous les pays européens. Il est vrai qu’au delà de nos frontières, pas grand monde ne partage notre dédain pour le réalisme. Nous nous lui préférons le rêve, même s’il se heurte aux réalités démographiques.

Le vainqueur est à l’évidence Laurent Berger qui a eu l’intelligence de ne pas se concentrer sur la défense des régimes spéciaux mais a eu l’habileté d’exiger que la réforme soit consacrée exclusivement à l’instauration d’un régime à points.

Sa démarche était légitime puisque la CFDT préconisait ce type de régime depuis plus de 10 ans

Cette exigence, sans concession, lui a évité le procès en traitrise qu’allait lui intenter les autres syndicats ( CGT et FO en tête).

Du coup il est devenu le roi de l’échiquier dans la bataille qui fait rage. Mais sa victoire n’aura de sens que s’il réussit, avec les autres syndicats réformistes (CFTC, UNSA), à installer un nouveau type de syndicalisme, plus efficace et conforme à l’évolution de notre société. On saura dans les tous prochains jours s’il en a les capacités.

En somme, si en 2017, l’élection de Macron a bouleversé le monde politique, en 2020 la victoire de la CFDT sur la CGT peut chambouler la sphère sociale.

  

C’est de cette révolution dont dépend largement l’avenir de notre économie.

Mais il reste l’interrogation : où situer Emmanuel Macron? dans quelle case ?

Celle des vaincus ou celle des vainqueurs?

Pour le savoir Il nous faudra encore attendre quelques semaines, voire près de deux ans.

Les semaines, c’est le temps à venir pour que le texte soit devant le Parlement. La présentation devant les élus sera-telle possible ? Le pouvoir de la rue l’emportera-t-il sur celui de la démocratie représentative ?

Les années, c’est le temps qui nous sépare de l’élection présidentielle. Les jeux sont-ils déjà faits? Qui a peur de cette future élection : le pouvoir en place ou ses opposants de gauche ou de droite ? La réforme du régime des retraites sera-elle vraiment un handicap pour une éventuelle réélection ?

Il n’est pas certain que, s’il est encore là, Phillipe Martinez soit dans le camp des vainqueurs !