la Catalogne

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Le Figaro

 

À notre porte, un problème vient de surgir : celui de l’indépendance éventuelle de la Catalogne. Problème énorme et, semble-t-il, quasi insoluble.Comment expliquer ce coup de chaud qui interpelle l’Europe ?

Au moins trois raisons :

-la première, c’est l’Histoire qui nous la suggère : les Catalans se sont toujours distingués par une langue et une culture différentes de celle de la majorité des Régions espagnoles. Cette particularité a été encore très aggravée par la période noire de la dictature franquiste.

– la deuxième raison du conflit, on la trouve dans l’évolution économique du pays. Alors que l’Espagne semblait ne pas pouvoir sortir de la crise qui frappait les pays de l’Europe du Sud, la Catalogne est devenue un très bon élève : avec 16% de la population espagnole, elle fournit 19% du P I B, et, autre paramètre décisif, elle ne connaît que 13% de chômage contre 17% pour l’ensemble du pays. Le bon élève ne veut plus partager avec les cancres !

– Enfin troisième raison : dans cette confrontation il semble bien que les communications aient été coupées entre l’exécutif central et celui de la Généralité. Entre le juriste froid, bloqué qui dirige le gouvernent madrilène et le politicien catalan, compliqué, confus, inadapté en somme à l’élan exigé par la conquête de l’indépendance, il n’y avait guère de communication possible. Au final on ne peut que constater que les torts sont partagés entre Madrid et Barcelone.

Madrid tout d’abord, où le P P , le parti du Premier Ministre Mariano Rajoy, a obtenu en 2010, du tribunal constitutionnel , que le statut de la Généralité de Catalogne soit amputé de certaines dispositions . C’est ainsi qu’il n’est plus question de parler de Nation, et que le Catalan n’a plus le statut de langue préférentielle ; en somme, une véritable provocation.

 

 

Barcelone aussi est responsable de cette crispation, dans la mesure où les indépendantistes ont voulu atteindre leur objectif final en ignorant purement et simplement la réalité. Celle-ci découle d’un constat que l’on peut difficilement contester : la société catalane n’est pas un bloc homogène. Elle est fragmentée en deux camps apparemment irréconciliables : les séparatistes d’un côté, les unionistes de l’autre.
Les référendums se sont succédés ( en 2014 et 2017), avec toujours les mêmes caractéristiques :  large victoire des indépendantistes, mais avec une faible participation.

C’est le triomphe par défaut. Situation totalement ingérable pour tout pays qui prétend à l’indépendance . En effet celle-ci implique, logiquement, l’élan du « tous ensemble » et non l’addition de courants opposés, porteurs des germes d’une prochaine guerre civile .

 

En réalité une seule solution est possible, c’est celle choisie le Premier Ministre espagnol : l’organisation d’élections au Parlement catalan au mois de décembre. Ces élections peuvent en effet générer un pouvoir légitime ; et ceci d’autant plus que les séparatistes se déclarent prêts à y participer,
En l’état actuel, il y a gros à parier, compte tenu entre autres de l’effarante échappée bruxelloise du Président déchu Carles Puigdemont, que la victoire ira aux unionistes . Mais cette victoire ne sera utile et positive que dans la mesure où elle n’apparaîtra pas comme la revanche étriquée de Mariano Rajoy .
Ceci implique, en conséquence, le succès des partis modérés comme Ciudadanos.

 

Toute cette histoire est un cas d’école pour l’Europe. Elle pourra, peut-être, nous servir d’exemple dans les années prochaines. Que ce soit dans l’Hexagone ou en Outre-Mer. En effet cette affaire catalane est d’une certaine façon symptomatique des glissements tectoniques que l’on constate aujourd’hui en Europe.
Un paradoxe surprenant est en train de voir le jour. Alors qu’hier, certains pays sous l’influence délétère des populistes commençaient à envisager de quitter l’Europe. Demain ce seront parfois ces mêmes pays qui demanderont l’aide de Bruxelles pour les protéger des mouvements sécessionnistes. Ce sera peut-être le cas dans quelques années de l’Italie ( avec la Vénétie ou la Lombardie), de la Belgique ( avec les indépendantistes Flamands) ou tout aussi bien de la France ( avec les exigences des Corses, des Ultra-marins, ou pourquoi pas des Bretons des Alsaciens, ou des Savoyards ) .
Si les Catalans sécessionnistes réussissent, malgré l’ineffable et trouble Carles Puigdemont, à gagner leur fracassant pari… le chamboule-tout de l’Histoire sera en marche, l’Etat-Nation sera en Europe, en voie de fragmentation.