Les duettistes

La France dépend pour l’heure de l’issue du combat que se livrent (sous l’œil sans doute ironique des leaders  du Rassemblement National) Emmanuel Macron et Jean Luc Mélenchon

Le premier ne peut aujourd’hui que regretter, entre autres faiblesses, de ne pas avoir su parler simplement aux Français, de s’être quasiment désintéressé de l’élection législative de 2022, et surtout de ne pas avoir été capable de créer et de s’entourer d’un parti politique solide et compétent.

Le second vit aujourd’hui un rêve. Il peut croire en effet que sa 6em République  est toute proche. Fin manœuvrier, le maître trotskyste peut rêver qu’il n’est plus qu’à quelques semaines du pouvoir. Lui qui pourtant n’a jamais rien prouvé en termes de gestion publique et dont la vraie arme, est son seul talent d’orateur et de provocateur. 

Aujourd’hui la France bégaye, tout le monde s’arcboute sur ses positions et vise deux lièvres à la fois : le gouvernement en 2024 et l’élection présidentielle en 2027. Ce cirque risque, si nous ne retrouvons pas notre raison, de nous conduire au désastre,  non seulement politique mais aussi et surtout économique.

Ce désastre serait d’autant plus surprenant qu’il y a une énorme rupture entre l’univers du monde politique et celui des Français. Ceux-ci (toutes les études d’opinion le montrent) ont une attente très claire : d’abord l’intérêt public, l’histoire commune et la paix.

Face à cette contradiction y-a-t-il une solution ?

On veut l’espérer car le temps presse.

Peu à peu, à tous petits pas, avec de nombreux aller-retour, l’acceptation d’un principe semble s’installer: le poste de Premier Ministre doit être attribué à un membre de la sociale-démocratie .Un nom peu à peu émerge : Bernard Cazeneuve.  

Cette solution patine car elle a un défaut rédhibitoire : celui  pour l’ancien Premier Ministre de s’être toujours positionné à l’extérieur du Nouveau Front Populaire. Or dans le contexte actuel, pour  être Premier Ministre (les choses peu à peu se précisent lentement mais sûrement) il faut  certes être socialiste, mais aussi libre de l’influence dominante de Jean Luc Mélenchon.

Cet oiseau rare existe, il vient même de faire son retour à l’Assemblée Nationale. Il y cohabite avec le NFP, mais il est si discret que certains observateurs se demandent pourquoi il s’est fait élire. C’est François Hollande

La surprise est de taille et beaucoup d’observateurs n’y attacheront pas le moindre intérêt. Comment en effet imaginer une cohabitation entre Macron et  Hollande, eux qui depuis 7 ans se sont dénigrés sans cesse.

 Et pourtant,  les avantages d’une tel bouleversement ne manquent pas.

Le plus évident relève du domaine de la communication. Une telle annonce, véritable coup de tonnerre,  serait largement en harmonie avec l’opinion publique. Laquelle est plus que lasse des affrontements annoncés par LFI et ses affidés. Les Français aspirent de plus en plus à une cohabitation paisible et certainement pas à une guerre civile.

Sur le moyen terme, cette nomination, certes baroque, constituerait l’acte décisif permettant de reconstituer les poutres porteuses de la Vem République.

Pour la première de ces poutres, il s’agit bien évidemment de l’alliance entre le Centre et la Droite classique. La seconde est celle constituée, depuis 1958, par la Gauche modérée. Cette force est actuellement en voie de déliquescence puisqu’elle est contrainte de jouer l’idiote utile, l’exploitée, la colonisée par l’ambition  de Jean Luc Mélenchon.

Reste en fait une question  fondamentale : les deux décideurs (deux anciens Présidents) concernés par cette hypothèse sont-ils capables d’oublier leurs désaccords passés ? Ce dépassement est la condition indispensable pour rendre possible la remise en fonction de notre Etat démocratique.

Pari fou estimeront la grande majorité des observateurs. Et pourtant c’est par ce type d’efforts et par ces prises de risques que les simples hommes politiques deviennent des hommes d’Etat.

L’actualité immédiate vient au passage de leur donner un signe avec la mort d’Alain Delon. Ce dernier et Jean-Paul Belmondo se sont toujours disputés l’attachement des Français et pourtant cela ne les a pas empêché de se partager la vedette dans plusieurs films. Cet exemple iconoclaste n’est pas forcément déplacé car nombreux en France, et tout particulièrement dans les médias, pensent que la politique ce n’est jamais que du cinéma.