A propos d’un ratage

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Huffingtonpost.fr

 

« Retraites : les syndicats ratent leur pari » .Le titre des Echos de ce mercredi a sans doute été le plus objectif et juste de la presse française. Personne ne croit plus désormais aux chiffres démesurés de la CGT qui, hier encore, pensait sauver la face en annonçait des participations à la limite du délire.

Cet échec aura un mérite, celui d’aiguiller une large part des autres syndicats vers une vraie négociation. Il était temps pour notre pays et notre économie.

   Quelles leçons peut-on tirer de l’affrontement en cours ? Au moins deux :

                   – la première consiste à reconnaitre l’influence incontestable des Gilets jaunes. Certes ils ont quasiment disparu, mais ils ont largement inspiré les actions et la phraséologie des contestataires syndicaux de cette fin d’année.

Pour les deux mouvements, (celui des ronds-points de 2018 et celui des grèves interminables de décembre 2012) il y a un point commun incontestable. C’est la négation très forte et fréquente de la légitimité du pouvoir politique.

Ainsi depuis plus d’un an la France est sur le fil du rasoir, celui qui sépare la démocratie élective du pouvoir de la rue.

Pour les contestataires d’hier et d’aujourd’hui, l’élection démocratique n’est rien ou presque. Elle doit être supplantée par la volonté du peuple. Et ce peuple peut faire céder l’Elysée, Matignon et l’Assemblée Nationale.

Mais cette démarche quasi révolutionnaire se heurte alors à une interrogation. Où se trouve le peuple ?  Chez les ouvriers ou les employés ?

Cela n’est plus une justification suffisante car  le nombre des premiers a beaucoup baissé dégringolant de près de 40% de la population active en 1962 à seulement 20% de cette même population en 2016. Alors que dans le même temps, le pourcentage d’employés passait de 18,4% à 28%, que les professions intermédiaires faisaient plus que doubler et que surtout que la part des cadres dans la population active était presque multipliée par près de quatre ( de 4,7 % à 17,7%).

Ces chiffres un peu austères démontrent que la France a beaucoup changé depuis 40 ans, En somme, plus que jamais, le peuple est multiple et divers ; certains idéologues et apprentis sorciers veulent ignorer cette donnée essentielle.

Comment désormais une seule catégorie, aussi minoritaire, peut-elle prétendre être l’émanation, le porte-parole du mythique peuple à la mode 1789 ?

 Quel est le deuxième enseignement de l’affrontement en cours ?

La deuxième leçon, c’est qu’on assiste aujourd’hui à une lutte pour la survie des deux principaux acteurs du conflit :

Si le Président renonce à sa réforme des retraites , cela en est fini de son quinquennat. Au point où on en est de la contestation, il n’a plus le choix. Il doit tenir !

Mais le danger est tout aussi prégnant pour la CGT.

Il y a quelques années elle était le syndicat de référence. Ce n’est déjà plus le cas. Elle n’est plus seule, concurrencée partout par la CFDT et dans ses points forts par l’UNSA et Sud Rail.

Dans tous les secteurs sa suprématie est fortement contestée. Si l’Exécutif , appuyé par les syndicats réformistes, parvient à mettre en place le nouveau régime universel de retraite  , elle en sera réduite à la portion congrue. Celle de la défense d’une minorité constituée par les salariés très privilégiées des entreprises publiques. C’est une tendance souterraine de ce syndicat  de se réfugier au final dans les secteurs ( dockers, ouvriers du Livre, transports publics  etc) qui, aujourd’hui ont peu de choses en commun avec leur situation d’origine. La dureté des situations lointaines ne peut plus justifier des avantages désormais incompréhensibles.

 Dans ces conditions la disparition inéluctable de ce syndicat  se profile à l’horizon plus ou moins lointain. On comprend alors l’acharnement actuel de certaines troupes de Phillipe Martinez, qui semblent prêtes à tous les excès pour refuser le destin qui frappe à la porte .