La course d’obstacle

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l’Etudiant.fr

L’actualité nous réserve parfois des télescopages inattendus. C’est le cas depuis quelques jours :

                      Alors que le formulaire  Parcoursup vient d’être mis à la disposition des élèves de Terminale pour leur permettre de faire leur choix pour leur 1re année universitaire, nous avons appris ce samedi, la mort d’Alain Devaquet, ancien secrétaire d’État à l’enseignement universitaire. La coïncidence mérite d’être relevée, car la procédure Parcoursup mise en place par Jean Michel Blanquer est soupçonnée, par certains contestataires,  d’instiller une première dose de sélection ; comme il y a trente ans, avait prétendu le faire son lointain prédécesseur.

Les adversaires de l’actuel ministre espèrent bien qu’il subira le même sort et qu’au final il devra reculer et retirer son texte.

Leurs souhaits risquent de ne pas être exaucés pour au moins deux raisons :

La première tient à une différence fondamentale entre les deux champs de bataille..

Hier la cohabitation était en place : Mitterrand à l’Élysée, Chirac à Matignon. Le gouvernement devait non seulement affronter les nombreuses manifestations étudiantes, mais aussi deux blocages insidieux.  Celui d’une partie de sa majorité parlementaire qui trouvait le texte trop timide et surtout, les manœuvres machiavéliques du Président Mitterand qui osait apporter publiquement son soutien au mouvement étudiant. On n’avait jamais vu cela. C’était un peu comme si, de son côté, Jacques Chirac s’était ostensiblement permis d’intervenir dans le domaine réservé du Président de la République.

                 Aujourd’hui, les choses sont très différentes : le pouvoir est monolithique que ce soit au niveau de l’exécutif ou à celui de la majorité parlementaire. Sans oublier bien évidemment le fait, qu’une très grande majorité  des élèves de terminale ne comprendraient pas  que l’on continue à s’en remettre au tirage au sort ( comme c’était le cas en 2017) pour avoir une place dans l’enseignement supérieur

La deuxième différence tient au fait que l’environnement économique a profondément changé depuis trente ans. Le temps des vaches grasses est terminé. La France ne peut plus continuer à se reposer sur une situation privilégiée. La concurrence et la « bagarre » sont partout  ; entre pays, mais aussi entre citoyens d’un même pays. Que cela plaise ou non, le nouveau monde sera de moins en moins une planète de bisounours. Dans ce cadre, la sélection n’est qu’une première étape du scénario de la vie professionnelle. Elle est de même nature que la concurrence qui oppose l’ Europe, les Etats-Unis, la Chine, la Russie, l’Inde etc …

D’ailleurs qui peut sérieusement nier qu’en réalité la sélection soit déjà en place. Le baccalauréat ne joue plus le rôle sélectif qu’il avait à l’origine. Ses taux de réussite faramineux peuvent donner le change et satisfaire les égos des jeunes impétrants, mais ils conduisent à une évidence : tel qu’il est, notre dinosaure du secondaire ne peut plus prétendre constituer la porte d’entrée à l’Université.  Son rôle  est de plus en plus transféré à la première année des Facultés..

Celle-ci en est alors trop souvent réduite à projeter une lumière crue sur les insuffisances des nouveaux étudiants. Un gâchis, une véritable perte de temps qui trop souvent mettent un terme aux illusions. Il est sans doute plus que temps d’innover et d’imaginer, enfin, des solutions alternatives à l’actuelle fuite vers des voies sans issue.

Alain Devaquet avait perdu la partie il y a trente ans. C’était un luxe que la France pouvait alors s’autoriser .

Aujourd’hui la démarche progressive et réaliste choisie par Jean-Michel Blanquer doit lui permettre de s’imposer face aux rêveurs et ainsi de gagner (sauf drame de même nature que celui qui avait couté en décembre 1986, la vie à Malik Oussekine) la course d’obstacles annoncée. On peut en tous les cas l’espérer.